tenue — « A-Allô ? », marmonnas-tu, pas assuré du tout. Non, t'avais pas bafouillé, c'était juste le réseau qui était mauvais. Tu te pinças les lèvres, jetant quelques regards désespérés autour de toi. T'avais répété ton texte avant d'appeler mais tu semblais avoir perdu l'usage de la voix en plus d'avoir totalement oublié ce que tu devais dire. Super. « Je suis... les dessins. Gaon. Do Gaon. Pour... les dessins... », l'assurance que t'avais dans la voix était tellement puissante que ton interlocuteur allait en tomber à la renverse.
Et c'était peut-être bien un peu de ta faute si tu devais passer par ce coup de fil.

L'auteur pour qui tu faisais les illustrations voulait voir tes dessins. Rien de bien anormal jusque là. Ca arrivait, parfois, que les auteurs voulaient les voir. Pour s'assurer que tout corresponde, pour donner leurs avis mais aussi pour te demander des changements directement plutôt que de passer par l'éditeur, leur agent ou encore quelqu'un d'autre. T'avais rien contre ça. Cette fois était juste un peu plus unique puisque tu devais remettre les dessins à l'éditeur qui se chargerait de les transmettre à l'auteur – qui aurait dû être présent mais qui ne le serait pas, changement de planning au dernier moment. Et cet appel n'aurait pas eu lieu d'être si tu savais te déplacer en ville. Mais tu savais pas. Dire que tu t'étais perdu à peine t'avais le pied dehors serait exagéré... mais c'était presque le cas. Tu t'étais dirigé vers un endroit que tu connaissais et partant de là, tu tentas de trouver l'endroit où tu devais aller. Tu avais demandé quelques indications à l'éditeur juste avant, histoire de ne pas non plus t'aventurer les yeux fermés. Mais que tu saches ou non ne changeait rien finalement. Tu avais tourné dans la même rue quatre fois. A la cinquième et après le regard insistant du type derrière la vitrine dans une boutique, tu décidas de ne plus passer par là. Tu devais ressembler à un mec qui faisait des repérages pour un prochain vol... T'arrêtant devant un magasin que tu connaissais, tu renvoyas un message, demandant comment faire pour arriver à l'endroit prévu à partir de là. S'il savait. Tu te rendis jusqu'au prochain point, que tu connaissais, avant de te retrouver paumé une nouvelle fois. T'avais l'impression d'abuser en demandant des indications à chaque fois. T'avais l'impression d'être très con, aussi – enfin c'était pas qu'une impression sans doute. Tu avanças, suivant les indications sur ton écran au mieux. Tu tournas à droite, avant de faire demi-tour, remarquant que tu aurais dû tourner à gauche. Ce que tu fis. Pour finalement t'arrêter parce que... tu savais vraiment plus où tu étais, en fait. Passant une main dans tes cheveux, tu émis un léger son plaintif, la moue boudeuse alors que tu fixais ton téléphone. Ce serait plus simple d'appeler. Tu comprendrais peut-être mieux les indications de vive voix, non ? Mais ça te stressait de téléphoner. Donc tu répétas ton texte. Tu répétas ce que tu allais dire, mettant même un rythme à tes mots pour te souvenir de tout. Tu allais l'appeler. Et tu le précisas dans un message. Ca allait être plus simple. Tu allais téléphoner...

Une bonne dizaine de minutes était passée quand tu te décidas d'appeler. « Est-ce que... », commenças-tu. Ton texte, Gaon. Ton texte ! Un son songeur frôla tes lèvres. Lèvres qui tremblaient dans des mots silencieux. « Je.. hum.. je suis arrivé dans la rue... Je crois », que tu murmuras, incertain, te décalant dans un « Pardon ». T'étais au milieu de la rue, tu bloquais tout. Tu te déplaças contre un mur, retenant ton soupir. « Je suis devant... », tu fixas le mur avant de te tourner. « Il y a une boutique de fleurs un peu plus loin. Je dois continuer tout droit ? », ça te paraissait suspicieux vers le fin de la rue. T'avais dit être dans la bonne rue mais t'étais sûr de rien en vrai...

Alors qu’il reposait son livre sur ses genoux, un nouveau soupire passa entre les lèvres de Hansol. Depuis quelques minutes, son téléphone n’arrêtait pas de vibrer alors qu’il tentait de se plonger dans sa lecture. Ce qui était impossible puisqu’il devait à chaque fois s’arrêter pour lire le contenu d’un nouveau message et y répondre. Ce rendez-vous aurait dû être rapide mais quelque chose lui disait que ça n’allait pas être aussi simple… Il n’était pas au bout de ses surprises.

Lorsqu’on lui avait demandé de se déplacer pour rencontrer un illustrateur, Hansol n’avait pas mis longtemps à réorganiser son planning afin de se présenter à l’avance sur le lieu de rendez-vous. Habituellement, l’auteur et l’illustrateur se rencontraient directement pour aborder certains points mais cette fois, l’auteur avait eu un empêchement et c’était à l’éditeur de s’en occuper. Si Hansol préférait organiser des rencontres sur son lieu de travail, ce n’était pas plus mal de sortir de temps en temps puisqu’il connaissait des endroits calmes et plutôt agréable. Il avait choisi de rencontrer le dénommé Do Gaon près d’un café où il avait l’habitude de se poser, ce qu’il avait fait en arrivant une vingtaine de minutes en avance. Sa boisson fumante était censée l’accompagner dans un moment serein durant lequel il se serait plongé dans son ouvrage mais, son téléphone ne lui en laissait pas l’occasion. Refermant son livre, Hansol décida de se concentrer sur ses échanges avec le jeune homme plutôt que de se frustrer davantage en arrêtant de lire toutes les cinq minutes. Même sa boisson fut oubliée, la fumée disparaissant progressivement.  

Hansol continua de donner des indications à son interlocuteur pour l’aider à trouver le chemin mais, ça ne semblait pas suffisant. Surpris de ne pas y avoir pensé plus tôt, il demanda à l’illustrateur si celui-ci n’avait pas un GPS sur son téléphone. Il continua de lui donner des directions, s’attendant à le voir arriver. Ce qui n’arriva pas… Comprenant que l’illustrateur ne s’en sortait pas, Hansol vérifia sur internet s’il ne s’était pas trompé en lui donnant des indications mais tout semblait correct. Il connaissait bien le coin et avait un bon sens de l’orientation mais il n’était pas à l’abris d’une erreur pour autant.  
Lorsqu’un nouveau message arriva sur son téléphone, Hansol eut l’espoir d’une bonne nouvelle mais l’illustrateur venait simplement de le prévenir qu’il allait l’appeler. Surpris par cette information, Hansol essaya de s’en inquiéter, n’ayant jamais été un grand fan des appels même s’il aurait certainement fini par l’appeler car ça devenait compliqué. Il observa l’heure et constata qu’ils avaient déjà du retard sur l’horaire convenu…

Au bout de quelques minutes sans nouvelle du jeune homme, l’éditeur fut tenté de l’appeler directement plutôt que d’attendre dans l’ennui et la frustration… Il sursauta lorsqu’enfin son téléphone se mit à sonner. Il se leva pour répondre répondre devant la devanture du café : « Oui ? » Les sourcils légèrement froncés, il fut étonné de la voix qui sonnait à son oreille. La personne ne semblait pas rassurée et cela aida Hansol à se montrer plus patient face à cette situation inattendue. « Uh… je ne vous vois pas pourtant. » Il ne savait même pas à quoi il ressemblait mais il ne voyait personne dans les parages : « Il n’y a personne ici… » Il regarda de nouveau autour de lui mais il y avait juste une dame d’un certain âge promenant son chien… ça ne pouvait pas être Gaon, elle n’avait aucun téléphone à la main. « Ah vous êtes devant le fleuriste ! Vous n’êtes pas loin alors » Tout du moins, c’était ce qu’il pensait. « Passez devant la boutique et continuez tout droit sur quelques mètres puis, tournez à gauche lorsque vous le pourrez. Normalement, il y a un coiffeur dans cette ruelle. Vous le voyez ? » Il s’attendait à le voir arriver d’ici quelques minutes mais il comprit bien vite que ce n’était toujours pas bon. Tapotant nerveusement avec son pied droit, il essaya de réfléchir mais il n’arrivait pas à situer le jeune homme : « Que voyez-vous autour de vous ? Vous n’auriez pas vu un chien, par hasard ? »

tenue — Hansol avait raison quand il demandait si tu n'avais pas un GPS sur ton téléphone. Ce serait plus simple et l'application était là pour ça. Mais t'osais pas dire que tu ne savais pas vraiment comment l'utiliser ou que tu serais capable de te perdre avec le GPS. Les seules fois où tu avais tenté, tu n'étais pas arrivé à bon port et t'en gardais un mauvais souvenir. T'avais pas vraiment osé répondre à la question, tu te justifias d'une simple excuse : l'appli ne fonctionnait pas.
Toi, ce dont t'avais besoin, c'était que quelqu'un t'accompagne et te montre tout. Au moins là, t'étais sûr de pas aller n'importe où ou de te perdre. Comme actuellement. Ca aurait été plus simple pour tout le monde d'organiser un rendez-vous aux bureaux de l'éditeur. Non ? Quoi que...

Et t'étais même plus capable d'aligner une phrase. Tu savais pas te situer dans la ville, tu savais pas parler. Qu'allait penser l'éditeur maintenant que tu l'avais au bout du fil ? « Ah », soufflas-tu, désemparé et confus, les prunelles allant et venant autour de toi à la recherche de Hansol.... Tu ne savais pas à quoi il ressemblait, cela dit, donc tu pouvais chercher longtemps. Tu déglutis doucement, tes doigts se crispant sur ton téléphone. Ses mots suivants ne parvinrent pas à te rassurer. T'étais perdu. T'étais perdu et tu savais pas où tu étais et tu savais encore moins comment tu allais faire pour rentrer et... Tu redressas quelque peu le visage, observant le fleuriste, libérant un souffle soulagé. T'étais pas loin finalement. « D'accord », dis-tu doucement, avançant. Quelques mètres ? Combien de mètres ? C'était vague mais t'osais pas lui demander de précisions. T'avançais donc de quelques mètres. Tu fixas la première ruelle à gauche, puis t'observas de loin la suivante. Tourner à gauche ici ou là-bas ? « Je regarde », articulas-tu, tournant à gauche à la recherche d'un coiffeur. « Je ne vois pas de coiffeur », avouas-tu après quelques secondes. « Un chien ? », tu clignas des paupières, tournant sur toi-même. « Il y en a plusieurs, oui », murmuras-tu. « Je dois suivre lequel ? », demandas-tu, crédule – et vu le regard que le maître du chien te lança, t'espérais que c'était pas lui que tu devais suivre. Tu restas muet un instant, laissant le maître et son chien s'en aller. « Ils sont partis », chuchotas-tu, perturbé, perplexe et totalement... à côté de la plaque. Tu restas immobile au milieu de la ruelle, baissant le regard sur tes dessins dans un air coupable et désolé – et aussi un peu désespéré. « Je dois continuer dans la ruelle ? », demandas-tu, avançant une nouvelle fois avant de t'arrêter. « Ou j'aurais dû prendre l'autre ruelle ? Celle un peu plus haut ? », t'avais pris la première ruelle mais c'était peut-être pas celle-là. « Je vais faire demi-tour et prendre l'autre ruelle », expliquas-tu, pour qu'il sache. Même s'il devait pas du tout te situer. Tu fis demi-tour, quittant la ruelle dans laquelle tu étais, marchant jusqu'à la suivante. « Désolé », lâchas-tu, le souffle léger, bas. Ca aurait dû être rapide, t'aurais déjà dû remettre les dessins et t'étais encore à tourner. Tu lui faisais perdre son temps. « Je vois un coiffeur », dis-tu enfin, « Il y a un petit chien sur la vi... ah », t'étais devant un toiletteur pour chiens, Gaon. « Je vais continuer », marmonnas-tu rapidement, affreusement gêné.

Le livre passionnant que Hansol avait tenu dans ses mains était à présent posé sur la table du café, tristement oublié. Pas vraiment oublié puisque le lecteur restait frustré se s’être arrêté en plein milieu d’un chapitre mais il était malheureusement incapable de s’y replonger pour le moment. Il y avait plus urgent : savoir où se trouver l’illustrateur qui était censé le retrouver. En observant l’heure, Hansol comprit qu’ils avaient du retard et vu comment ça se déroulait… ça ne semblait pas être sur le point de s’arranger.
Le jeune homme qu’il avait au bout du fil semblait réellement perdu et peu à l’aise, ce que Hansol pouvait aisément comprendre. Ce n’était pas une partie de plaisir d’arriver en retard à un rendez-vous parce que l’emplacement était vraisemblablement introuvable. Hansol ayant un bon sens de l’orientation n’avait pas vraiment ce problème mais, il compatissait pour le jeune homme. D’un autre côté, il restait pourtant frustré parce que cet entretien aurait dû être rapide mais rien ne se passait comme prévu. Il ne voyait pas l’illustrateur dans les parages, la rue semblait vide et malgré ses indications, rien ne semblait fonctionner. Dans quelle dimension se trouvait-il ?

Toujours devant la devanture du café, Hansol continuer d’observer les alentours dans l’espoir de voir apparaitre un individu paumé mais personne ne correspondait. Il n’avait pas vu grand monde à part cette dame et son chien… Présence qui lui donna une idée et sans l’expliquer, il demanda si Gaon ne voyait pas un chien dans les parages. Ça aurait pu fonctionner et les aider à se retrouver mais comme par hasard, ça ne fonctionna pas. « Comment ça, plusieurs ? » Gaon n’avait pas besoin de compter, Hansol réalisait simplement que ce plan échouait et il était déçu. Il aurait été rassuré de savoir que Gaon se trouvait dans une rue voisine mais cet espoir lui filait doucement entre les doigts. « Je sais pas… ça ressemblait à un caniche… ? Enfin un petit chien blanc. Pas un caniche, un… » Il faillit dire un pitbull mais il visualisa cette race et comprit que ça ne correspondait absolument pas avec ce qu’il avait apperçu. « Je n’ai pas bien vu, ne suivez personne s’il vous plait » Il abandonna cette solution puisqu’il n’avait aucune connaissance en races canines et qu’à tous les coups, Gaon risquait de se tromper de personne. « Tant pis, on va faire autrement » Tout en faisant les cent pas, Hansol essayait de réfléchir. Le jeune homme ne pouvait pas être loin, mais c’était très difficile de le situer. Même si l’éditeur connaissait les parages, il ne connaissait pas les enseignes par cœur ni même les noms des rues. « Oui continuez » Il ne savait pas si c’était un bon plan mais est-ce que ça pouvait être pire ? S’il s’éloignait oui mais Hansol gardait un espoir. Maigre espoir mais espoir quand même…

« Je… je ne sais pas » Hansol ne faisait plus les cents pas, il regardait à présent le ciel, les yeux dans le vide alors qu’il désespérait en silence. Pourquoi ça se passait comme ça alors qu’habituellement, tout se déroulait bien ? Est-ce qu’il avait proposé un endroit vraiment difficile d’accès ou l’illustrateur avait-il un si mauvais sens de l’orientation ? Dans tous les cas, Hansol regrettait son choix et la journée prenait une tournure épuisante. « Um » Il répondit simplement alors que Gaon décida de tenter une nouvelle ruelle, lui, il restai perdu dans ses pensées, essayant de comprendre où pouvait se trouver l’individu qu’il avait au téléphone. « Vous le voyez ? » Le maigre espoir qu’il pensait sur le point de s’envoler reprit des forces alors que Gaon semblait avoir repéré le salon. Hansol s’attendait déjà à le voir arriver mais son espoir s’envola aussitôt qu’un lycéen débarqua dans la ruelle et que Gaon lui parla d’un chien sur la vitrine. Nouvel échec, nouveau soupir. « Ce n’est pas un coiffeur c’est ça ? » Hansol passa sa main libre dans ses cheveux bien coiffés, frustré de cette nouvelle déception. « Je ne connais aucun toiletteur dans le coin… » En même temps, il n’avait pas enregistré chaque boutique dans sa mémoire mais ça ne lui parlait vraiment pas... « Vous êtes dans le bon coin de Séoul au moins ? » Il demanda avec un rire nerveux avant de de penser à quelque chose : « Oh ! Vous ne voyez pas le nom d’une rue par hasard ? Ou le nom du toiletteur ? » Ça pouvait peut-être les aider, Hansol ayant son téléphone pour vérifier sur internet. « Ne bougez plus, dites-moi d’abord où vous êtes » Il avait l’impression de donner des ordres mais il était impatient de trouver une solution ou il risque de devoir retirer l’adjectif « patient » de son cv. Adjectif qui n’aurait jamais dû s’y trouver.

tenue — T'étais désespéré et désespérant. Tu savais pas du tout où tu allais, et tu ne saurais plus dire d'où tu venais. Tu seras bien content de retourner chez toi après tout ça. Encore fallait-il que tu retrouves l'éditeur d'abord et qu'ensuite, tu retrouves le chemin jusqu'à ton appartement. T'étais horrible. Et nul. Tu perdais ton temps et le pire, t'en faisais perdre à l'éditeur. Tu aurais dû te renseigner un peu plus avant d'accepter un rendez-vous dans un lieu que tu ne connaissais pas. T'aurais dû faire attention, proposer autre chose. Mais tu voulais pas paraître contraignant, à changer de lieux toutes les cinq minutes parce que celui-ci ou celui-là ne te convenait pas. Tu t'adaptais, en laissant les autres choisir pour toi. Et si l'éditeur avait décidé qu'il voulait aller dans ce lieu-là et bien tu irais aussi.
T'y étais pas encore cela dit. T'en étais peut-être même loin et chaque pas que tu faisais t'en éloignais. Ca n'allait pas finir. Tu voulais donner les dessins et rentrer chez toi. Tu voulais te mettre sous ta couette et de plus sortir de ton lit de la journée. Tu voulais oublier à quel point t'étais nul. Mais c'était pas encore pour maintenant, apparemment. Tes lèvres bougeaient mais aucun son bien distinct n'en sortait jusqu'à ce que tu n'articulas un petit « Quatre » dans un air incertain parce que c'était peut-être cinq, t'en avais loupé un. « Un caniche ? Non », tu secouas même le visage. « Il était noir, pas blanc », donc c'était pas le bon chien, merci Gaon. Tu t'humectas les lèvres, stressé. « Promis », bafouillas-tu, les joues rougies, détournant le regard. T'allais pas prendre le risque de suivre quelqu'un et finir enfermé parce qu'on pensait que t'étais louche. Ce que le maître devait penser vu le regard qu'il t'avait lancé. Tu te mordis la lèvre à ses mots, ton regard allant et venant autour de toi. Autrement, oui... mais autrement comment ? Est-ce que si tu te mettais dans le coin un peu plus loin et que tu pleurais ça pourrait tout arranger ? « D'accord », murmuras-tu, continuant comme il te le disait. Après tout pourquoi pas ? C'était peut-être là. Ou pas.

« Oh » fis-tu bêtement. Il ne savait pas. Toi encore moins. Tu soufflas doucement, désespéré. T'étais vraiment un abruti... « Oui je le vois », lui assuras-tu. Et t'avais presque espoir que ce soit ça. Mais non. Ce serait trop simple. Beaucoup trop simple. Et t'étais beaucoup trop nul. Tu t'étais peut-être retrouvé à l'autre bout de la ville sans le savoir. Tu te raclas la gorge, gêné, marmonnant un « Non pas du tout » alors que tu fixais le chien sur la devanture. « Je ne savais même pas qu'il y en avait un là », avouas-tu, la voix basse, coupable et honteuse aussi. « Je... suppose », c'était pas un « Je sais pas » mais c'était pas non plus un « Oui » assuré. A dire vrai tu savais même plus où tu te trouvais. « Désolé », ajoutas-tu encore. « Canisnif. Quelque chose comme ça », tu te souvenais surtout du chien sur la devanture. Tu t'arrêtas soudainement dans tes mouvements, t'immobilisant au bout milieu du chemin. « Je suis... près d'une agence immobilière », tu tournas la tête. « Et il n'y a que des habitations de l'autre côté », décris-tu le paysage qui t'entourait. « Il y a... », tu te raclas la gorge, non, ta voix tremblait pas, c'était le réseau qui était toujours mauvais. « Il y a une boutique médicale, je crois, un peu plus loin », ajoutas-tu dans un chuchotement. Tu te mis à jouer nerveusement avec ta lèvre inférieure, ton regard regardant les personnes qui passaient. Tu pourrais leur demander mais... t'osais à peine soutenir leurs regards quand ils croisaient le tien, alors leur demander ton chemin ?? Impossible. Un son surpris passa la barrière de tes lèvres, une voix résonnant à tes côtés. « Tu as l'air perdu mon garçon », et t'avais pas vraiment besoin de répondre, ton air de chiot implorant devait tout dire. Elle te demanda où tu devais te rendre, et tu lui montras l'adresse inscrite sur ton téléphone. Et non, tes mains tremblaient pas, c'était le réseau qui... « Oh mais tu n'es pas loin », te dit-elle alors que tu clignais des paupières, penaud.
Elle décida alors de t'accompagner jusqu'à la bonne intersection, t'indiquant ensuite que ce n'était pas loin, ni très compliqué : tu devais aller simplement tout droit. « Allô ? », repris-tu le téléphone. « Je suis... pas loin du coup », confias-tu en avançant tout droit, jetant un regard vers la vieille femme qui te faisait un signe de la main. Tu pouvais pas l'emmener avec ? T'allais faire comment pour rentrer chez toi ? « Je me dépêche » mais en réalité t'hésitais un peu à te dépêcher. Pas que tu voulais pas le rencontrer mais... après tout ça... t'étais pas sûr que tu aies vraiment envie de le rencontrer. Et qu'il ait encore vraiment envie de te rencontrer, aussi. T'avais tellement honte.

Normalement, ce rendez-vous aurait dû être rapide, Hansol ayant simplement prévu de poser quelques questions et de faire quelques commentaires avant de retourner à son bureau dans un délai classique. A la place, il se retrouvait pourtant à attendre au lieu de rendez-vous sans avoir posé ses yeux sur l’illustrateur alors que l’heure convenue était déjà dépassée. Ça n’allait pas être simple, il compris lorsqu'il se retrouva à échanger par téléphone avec l'illustrateur perdu. Celui-ci devait être dans les parages mais Hansol s’en inquiéta parfois, peinant à comprendre où Gaon avait pu se rendre.
L’éditeur ne voulait pas se montrer frustré et impatient mais il n’avait pas pu s’empêcher de soupirer, agacé de ne pas trouver de solution miracle. « Uh… d’accord » Savoir combien de chiens se trouvaient près de Gaon ne l’aidait pas vraiment à le trouver plus facilement… au contraire, ça risque de les éloigner encore plus alors il lui demanda de ne suivre personne. Il n’avait pas besoin de connaitre Gaon pour savoir que c’était une mauvaise idée et il avait besoin d’une bonne. Malheureusement, son cerveau était incapable de trouver une solution tant qu’il n’arrivait pas à situer l’illustrateur. Hansol pouvait tenter de le retrouver mais sans la moindre piste, ils risquaient de perdre encore plus de temps. Hansol envisagea un instant de prévenir son lieu de travail de son arrivée tardive mais il décida de gérer un problème à la fois. Ils allaient bien finir par se rencontrer … n’est-ce pas ?

Durant un court instant, l’espoir gagna l’éditeur lorsque Gaon repéra le salon de coiffeur mais le désespoir refit bien vite son apparition et, ils se retrouvèrent à la case départ. « Moi non plus... » Hansol répéta, dépité par ce nouvel échec même s’il arriva finalement à en tirer du positif. Le nom du toiletteur pouvait l’aider à repérer Gaon grâce à son téléphone. Soudainement moins défaitiste, il demanda à son interlocuteur le nom du salon afin de vérifier l’emplacement de celui-ci. « Canisnif ? » Il répéta pour être certain d’avoir bien entendu et il écouta attentivement les explications de Gaon avant de vérifier sur son écran : « Okay, je pense que ça va m’aider. Une petite minute, je regarde » Sans lui laisser le temps de répondre, Hansol décala son téléphone de son oreille pour taper le nom sur Google Maps. Il ne lui fallu pas longtemps pour réaliser que Gaon ne se trouvait pas loin du tout : « Vous n’êtes pas loin, j’arrive ! » S’il avait été plus vigilant, Hansol aurait pû entendre la voix féminine mais il était parti prévenir le café avant de se diriger à l'adresse donnée par son cellulaire. Dommage...

Le jeune éditeur marchait avec un visage plus serein lorsqu’il entendit de nouveau la voix de Gaon : « Oui j’ai vu ça » Il répondit tout en observant les alentours pour ne pas se tromper : « Vous ressemblez à quoi ? » La question était étrange mais Hansol avait l’impression d’être dans la bonne rue et il ne voyait pas d’individu paumé dans le coin. Ca se remarquait, généralement! « Comment ça ? » Il s’arrêta soudainement au milieu du trottoir, ne comprenant pas les propos de Gaon : « Uh… vous allez où ? » Pourquoi n’avait-il pas été mis au courant de cette information capitale ? « Je suis en train de me rendre là où vous êtes…. Vous... vous avez bougé ?! » Ils n’allaient jamais réussir à se trouver si ça continuait comme ça! Cette journée était devenue un sketch et Hansol ne savait pas s’il devait en rire ou en pleurer. Dans les deux cas, de frustration. « Vous êtes près du café ? » Il vérifia et après un soupir peu discret, il supplia Gaon de ne plus bouger : « S’il vous plait, je reviens sur mes pas alors ne bougez plus. » Il fit demi-tour, se demandant s’il n’avait pas croisé le jeune homme sans le savoir mais il n’avait pas fait attention avant d’arriver dans la bonne rue. « Ne bougez même pas d’un millimètre s’il vous plait! » Extrême mais il était temps de mettre la main sur cet illustrateur! « J’ai l’impression que quelqu’un nous en veut... »

Lorsque Hansol se retrouva dans la bonne rue et qu’il repéra quelqu’un, l’espoir fit son grand retour. Le doute s’installa néanmoins lorsqu’il réalisa que l’individu ne correspondait pas à l’image qu’il s’était faite de l’illustrateur. Vu les mésaventures qu’il venait de vivre, Hansol était pratiquement sûr d’être en face de la mauvaise personne alors au lieu de l’aborder normalement, il s’arrêta à quelques mètres de lui et l’observa en silence. En silence parce qu’il réfléchissait à ce qu’il devait dire. Avec sa main libre, il pointa du doigt son téléphone en haussant doucement les sourcils dans une interrogation muette. Il aurait pu lui poser de vive voix, surtout qu’ils étaient encore au téléphone mais non, Hansol avait décidé de rendre les choses plus gênantes.
« C’est uh.. vous devant moi ? » Il osa enfin demander, son téléphone contre son oreille et sa main libre maladroitement levée pour… le saluer ? Lui-même ne savait pas ce qu’il essayait de dire avec sa main.

tenue — Tu aurais voulu que tout ça se termine au plus vite. Mais ça ne faisait que s'allonger, encore et encore. Et tu ne faisais qu'embêter ton monde. Te mordant nerveusement la lèvre, tu espérais une solution miracle. Tu voulais trouver ce café, donner les dessins et rentrer chez toi. Mais tu savais déjà que le chemin retour allait prendre du temps... Tu ne voulais pas déranger Sumni pour te sortir de là. Tu ne voulais pas encore déranger quelqu'un. Les échecs ne faisaient que s'accumuler et tu avais baissé les bras depuis longtemps même si tu donnais l'impression inverse. Tu ne savais même plus vraiment quoi proposer ni quoi faire. Tu supposais que vouloir s'asseoir au milieu de la route, bouder et pleurer, ne comptait pas comme solution. Ca t'aiderait pas cela dit mais ça te ferait du bien. « Canisnif », que tu articulas lentement pour confirmer. « D'accord », susurras-tu. Et le miracle arriva. En personne, même. Cette femme âgée qui semblait voir ton désespoir. Elle ne te regardait pas étrangement comme les autres qui passaient. Elle te parlait doucement, le regard doux, et t'étais embêté de ne pas pouvoir faire plus que lui répéter des « Merci » à tout bout de champs. Elle allait t'amener au café et t'en étais plus que ravi. Dommage pour toi, t'entendais pas Hansol qui te disait qu'il allait te rejoindre.

« A quoi je ressemble... ? », murmuras-tu doucement, tes prunelles glissant sur ton propre corps alors qu'une grimace s'installait sur ton visage. A rien. Tu ressemblais à rien. A part un mec paumé au bord du désespoir et les yeux un peu trop humides pour quelque chose d'aussi bête. « Uh » fut la seule réponse. Très éloquent, en plus. « J'ai... je porte un pull beige ? », et tu tenais ton carnet. T'aimais pas te décrire parce que t'y arrivais tout simplement pas et t'avais bien conscience que dire que t'avais les cheveux bruns foncés n'aiderait pas. Tu émis un léger son interrogateur. Comment ça quoi ? Comment ça ton pull était beige ou... ?? « Au café », répondis-tu, doutant soudainement de la destination où tu devais aller. Un petit « Oh » quitta tes lèvres alors que tu t'arrêtas. « Je suis... oui », admis-tu d'une petite voix. Tu avais bougé. Tu déglutis lentement, coupable. « Désolé », tu te mordis à nouveau la lèvre, hochant le visage avant de te rendre compte qu'il ne pouvait pas te voir. « Je suis pas loin », parvins-tu à articuler. Tu voyais le café. Et tu t'arrêtas pile devant. « Je bouge plus », t'allais rester là... peut-être pas devant l'entrée parce que tu dérangeais donc tu te décalas dans une grimace. « Je bouge plus... je reste là », et si tu avais pu, tu aurais ri de ses mots mais tu te contentas de baisser le visage dans une esquisse amère. Personne lui en voulait. Personne vous en voulait.
T'étais juste trop bête.

Tu tins ta promesse, restant planté là où tu étais, ne bougeant pas, les prunelles fixées sur le sol comme un gamin qui devait attendre que sa mère le rejoigne. Tu finis par redresser curieusement les pupilles, observant les personnes qui allaient et venaient, captant une silhouette un peu plus loin. Tu clignas des paupières, penaud, ne bougeant pas tout d'abord, ne sachant pas si l'homme te faisait signe à toi ou quelqu'un d'autre. Après une petite inspection autour de toi, il ne semblait avoir personne cela dit. « Je crois ? », dis-tu en agitant faiblement la main en retour, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre. Tu raccrochas finalement, rangeant le téléphone. Un doux « Oh » t'échappa alors qu'il arrivait à ta hauteur, tes prunelles le contemplant alors que tes pommettes rosissaient un peu plus à chaque seconde. Il manquait plus que le vent dans ses cheveux et la musique de fond pour que la scène ressemble à celle d'un drama. C'était bien ta veine de te ridiculiser face à quelqu'un d'aussi beau. Tu te sentais de plus en plus con.

Tu te pinças les lèvres, baissant le regard, n'osant pas croiser le sien. « B-Bonjour », bafouillas-tu timidement, tes doigts s'activant nerveusement sur ton carnet. « Je uh... les dessins. Je suis... enfin... J'ai... », c'était compliqué d'être toi. Tu te raclas la gorge, les phalanges accrochés au col de ton pull, comme si tu cherchais un peu de fraîcheur. « Ce sera peut-être... plus simple si on s'installe ? Et si vous voulez d'abord y jeter un coup d’œil ? », tu désignas une table. « Ou... ou pas. Je peux juste... », tu lui tendis maladroitement le carnet. « Je vous ai déjà fait perdre assez de temps », dis-tu, osant relever les prunelles vers les siennes, le regard coupable, les joues en feu et une fine esquisse honteuse aux lèvres.