Les derniers mois n’avaient pas été de tout repos, voire pas du tout, en fait. Qui aurait cru qu’une grossesse serait aussi épuisante ? Pas Gabriel, en tout cas. Il avait probablement sous-estimé toute la situation et sous-estimé à quel point Naerina pouvait être chiante. Oui, chiante. Exigeante, en proie à ses hormones et à toutes sortes d’envies étranges. Mais Gabriel ne s’en était jamais plaint, ça faisait partie du processus et puis, il s’était dit que ce n’étaient que quelques mois à passer, qu’ensuite, ça irait mieux. Il avait si hâte d’enfin pouvoir tenir son fils dans ses bras que ça en valait l’attente, ça en valait le coup. Même s’il se faisait engueuler par sa femme ou qu’elle l’envoyait d’un bout à l’autre de la ville parce qu’elle avait une envie particulière. Mais tout ça, c’était terminé, maintenant. Sachant que l’accouchement ne tarderait sans doute pas, il était resté près d’elle ces derniers jours, ne s’absentant que si c’était vraiment nécessaire et jamais pour longtemps. Il n’avait plus accepté de missions à côté, voulant se consacrer entièrement à celle qu’il aimait. Et il avait bien fait. Car lorsqu’elle perdit les eaux, il était là pour l’emmener à l’hôpital le plus rapidement possible. Il avait tenté d’ignorer les insultes de la jeune femme, bien conscient qu’elle n’en pensait pas un mot – du moins, il l’espérait. De toute façon, ce qui importait, c’était d’arriver vite.
Et puis vint l’accouchement. Gabriel était resté aux côtés de Naerina et lui avait tenu la main – main qui avait failli terminer broyée. Voyant à quel point elle semblait avoir mal, il se disait qu’il aurait volontiers pris sa place si c’était possible. Malgré les insultes, il tenta de l’encourager, ne faiblissant pas jusqu’à ce que le premier cri de leur enfant se fit entendre. L’émotion submergea aussitôt Gabriel qui ne retint pas ses larmes en voyant ce petit être. Oubliés les mois de galère, oubliés les dernières heures qui n’étaient pas de tout repos. Il n’y avait plus que lui qui comptait. Leur fils. Bien entendu, il restait une certaine angoisse, à savoir s’il était en bonne santé, si tout allait bien, mais cette angoisse fut heureusement bientôt balayée car mini Gaby allait bien. Outre un petit souci, mais Gabriel était confiant.

Il voulait rester avec les deux amours de sa vie, mais les infirmières avaient emmené le petit pour le laver et lui faire quelques examens de prévention. Et puis, Naerina lui demanda d’aller lui chercher plusieurs choses, ce qui fit sourire le jeune homme qui, évidemment, accepta la requête de sa femme. Il se dépêcha donc, ses pensées étant constamment avec cet enfant qui venait de naître. Son enfant. Leur enfant. Il avait encore du mal à le croire. Dans tous les cas, malgré la fatigue, son sourire ne le quittait pas. Les gens se demandaient sans doute s’il avait gagné au loto ou un truc du genre. Mais c’était bien mieux que gagner le gros lot. Il revint à l’hôpital après avoir terminé et retrouva Naerina dans un drôle d’état. Elle n’avait pas l’air bien, pire, elle se mit à sangloter. Paniqué, Gabriel se précipita à ses côtés après avoir posé ses achats, et la prit doucement dans ses bras. « Calme-toi. Tout ira bien. Il faut que tu te reposes. Comme ça, tu seras en forme pour assister à son bain, la prochaine fois. » Il déposa un baiser son sur front et lui caressa doucement le dos. Il ne savait pas trop quoi faire, après tout, c’était une situation totalement nouvelle pour lui, pour eux. Il s’était un peu renseigné et, apparemment, c’était plutôt normal de craquer après un accouchement, mais ça lui faisait quand même mal au cœur de voir Naerina dans cet état. Par contre, lorsqu’elle réclama soudain son meilleur ami, Gabriel fronça les sourcils et la lâcha. « Pourquoi tu veux qu’il vienne ? Je suis sûr qu’il doit être occupé… » Il secoua la tête. Non, ce n’était pas ce qu’il devait dire, ce n’était pas ce qu’elle voulait entendre. « Mais évidemment, en tant que parrain, il doit être mis au courant. Je vais essayer de le trouver. Je reviens vite, d’accord ? » Il lui fit un petit bisou, puis se dirigea vers la porte avant de s’arrêter et d’attraper le sac contentant ses achats. « Tiens. Y a tout ce que tu m’as demandé. » Il espérait que ça lui redonnerait un peu le sourire, au moins.

Gabriel était un peu dépassé par la situation, c’était un fait. Il essayait toutefois de ne pas le montrer. Naerina était dans un tel état qu’il se devait de garder la face pour elle. Il n’avait cependant pas imaginé que les hormones et un accouchement pouvaient provoquer une telle réaction. C’était déconcertant et il ne savait même plus comment réagir. Il avait l’impression que quoiqu’il dise ou fasse, ça ferait pleurer sa chère et tendre pour différentes raisons. Pourvu que cette phase ne dure pas trop longtemps…sinon, il ne donnait pas cher de sa santé mentale. « Il y aura plein d’autres premières fois bien plus importantes. Arrête de pleurer, s’il te plaît… » Peut-être que ses mots allaient empirer les choses. Il n’en savait rien, il ne savait plus. « Quoi ? Tu préfères que je sois méchant, peut-être ? Ou pire…que je t’ignore ? » Après tout, il n’y avait pas pire que d’être ignoré. Même s’il en serait évidemment totalement incapable, peu importe à quel point il se sentait désarmé face à la situation, peu importe à quel point les humeurs de Naerina finiraient par l’agacer. Pour l’instant, il faisait avec, il prenait sur lui, tout en se disant que ce n’était qu’une phase. Demain, ça irait déjà mieux. Non ? Il l’espérait, du moins. Evidemment, il ne put s’empêcher de râler un peu lorsque la jeune femme réclama Ji-Woo, bien qu’il soit le parrain du petit. Et puis…nouvelle crise. Totalement incompréhensible, cette fois. Gabriel fronça les sourcils et croisa les bras. « J’espère que tu n’es pas sérieuse ! Comment veux-tu que j’aille chercher ton ami si je ne te lâche pas ? » Il soupira avant de reprendre, posant doucement ses mains sur les épaules de Naerina. « Tu n’es pas laide ni grosse. Même après tout ça, tu es toujours la femme la plus belle au monde à mes yeux. » Il lui adressa un petit sourire, puis lui caressa tendrement la joue, venant en même temps essuyer ses larmes. « Ne doute plus jamais de moi ou je vais me fâcher ! » Air faussement sévère, mais il n’en était pas moins sérieux. Même s’il savait qu’elle n’était pas dans son état normal, de tels propos lui faisaient mal. Après tout, est-ce que ça ne faisait pas ressortir les insécurités et les doutes de Naerina ? Avait-elle peur qu’il l’abandonne, tout au fond d’elle ? Ne lui avait-il pas assez prouvé qu’il n’y avait qu’elle ? Mais ce n’était pas le moment pour ces interrogations. Il fallait d’abord qu’elle se remette de ses émotions, de l’accouchement et de tout le reste.

Une nouvelle fois, Gabriel fronça les sourcils. « Il doit t’aider pour marcher ? Parce que je ne peux pas le faire ? Tu n’as pas besoin d’un médecin pour ça. » Contrarié, il l’était. « Sois patiente. Tu reverras bientôt notre fils. »
Alors qu’il s’apprêtait à quitter la chambre, à la recherche du médecin, Naerina piqua une nouvelle crise, lui demandant de ne pas partir. Alors que le jeune homme était sur le point de râler en disant qu’il ne pourrait pas appeler Ji-Woo s’il restait, Naerina eut la mauvaise idée de tenter de se lever pour le retenir. Avant qu’il n’ait pu réagir, elle s’écroula, prise de douleurs. Alerté, tentant de ne pas céder à la panique, Gabriel s’accroupit devant elle. « Nae…Hey… » Bon sang, elle lui faisait terriblement mal au cœur. A la voir, on ne croirait jamais qu’un heureux événement venait de se produire peu de temps auparavant. Sans rien ajouter, il souleva la jeune femme aussi délicatement que possible, la portant comme une princesse dans ses bras pour l’allonger doucement sur son lit. « Ne force pas. Reste allongée, s’il te plaît. Et puis, tu seras à nouveau sur pied bien plus vite si tu restes tranquille. » Il lui prit la main et, de son autre main, se mit à caresser doucement la chevelure de la jeune femme. « Ça va aller. » Sans doute allait-elle encore pleurer en lui demandant d’arrêter d’être aussi chou, mais peu importe. Une nouvelle fois, il déposa un baiser sur son front. « Je t’aime. Merci d’avoir mis mini-moi au monde. » Il esquissa un léger sourire, tenant toujours la main de celle qu’il aimait.