Lettre en main, tu attendais nerveusement devant le restaurant de ta cousine. Tu lui avais donné rendez-vous là, car c’était l’un des seuls endroits que tu connaissais. Et puis, si Gabriel se décidait à activer la localisation de ton téléphone, il serait satisfait de voir que pour une fois, tu te trouverais bien à l’endroit où tu avais dit aller. Heureusement que les négociations avec lui, n’avaient pas été hasardeuses sinon, tu n’aurais pas eu la force de te battre contre lui. Tu te sentais si mal en ce moment et avec l’idée que t’avait mis Eunjoo dans la tête depuis quelques jours, c’était encore pire. Dans l’enveloppe que tu serrais dans ta main, se trouvaient les résultats de ta prise de sang. Enfin, se trouvait surtout la réponse à tes inquiétudes. La réponse à cette question qui te torturait depuis quelques jours… Étais-tu enceinte ou était-ce simplement une petite crise d’anémie ? Voyant la chevelure blonde de ta cousine se diriger en ta direction, tu lui fis des grands signes alors que tu te tenais à proximité de l’entrée. « Eunjoooooo ! » T’avançant de quelques pas vers elle, tu l’as pris dans tes bras quand elle fut à ta portée. « Tu m’as trop manquééééééé ! » Dans cette ville, tu n’avais qu’elle. L’avoir retrouvée, t’avait réellement rendu heureuse. Grâce à elle, tu te sentais un peu moins seule dorénavant. Lui montrant l'enveloppe, tu grimaças. " Je les ai. Mais je pense que je vais te laisser l'ouvrir car j'ai trop peur pour regarder en première ..." Dis-tu en lui tendant timidement cette fameuse lettre contenant les réponses à vos questions.

Je suis rentrée au travail aujourd'hui, pour gérer tout ce qui est papier. Les paies, les horaires, les commandes, bref, tout ce qui ne me plait pas de faire habituellement... Mais je n'ai pas le choix. Même avec les ordres du médecin, même si je ne peux pas bosser, il doit bien y avoir quelqu'un qui le fait et je ne peux pas vraiment compter sur mes employés. Il est enfin l'heure de te retrouver alors, je ferme tout et me lève de ma chaise afin de me rendre à la salle. T'es juste là, à l'entrée, tu m'attendais ? À t'entendre, t'es vraiment ravis de me voir et aussitôt, mon visage s'illumine. Eonni ! Je me dépêche à franchir les quelques pas qui nous séparent pour te serrer dans mes bras et sautiller de joie avec toi. Toi aussi ! Trop ! Je me sépare, tout sourire, pour te regarder droit dans les yeux. Ça me fait trop bizarre de t'appeler Naerina, je ne m'y habituerai pas... heureusement, je peux t'appeler ma grande sœur. Je baisse les yeux vers l'enveloppe que tu tiens et les remontent à toi. On va dans mon bureau ? Comme ça on sera tranquille... et je pourrai l'ouvrir pour toi. Je demande, sans vraiment attendre que tu me répondes pour te guider jusqu'à la petite pièce, que je referme derrière toi. Tu en as parlée à Gabi ? Il a dit quoi ?

C’est idiot, mais la présence de ta cousine te rassure instantanément. Toi qui te sentais au bord de la crise de panique depuis quelques jours. Même si tu essayais de croire dur comme fer à l’hypothèse de l’anémie, tu n’étais pas dupe. Il y avait beaucoup trop de coïncidences… D’ailleurs, depuis qu'Eunjoo t’avait glissé dans l’oreille, que tu pourrais être enceinte, tu avais eu l’impression d’avoir pris du ventre… Étrange. Jusqu’ici, tu n’avais rien remarqué. Peut-être étais-tu tout simplement en plein déni ? Possible. En même temps, qui ne le serait pas à ta place ? Avoir des enfants ? Tu n’y avais jamais pensé. Et puis, ce n’était clairement pas le moment vu ta situation. Et Gabriel ? Qu’en penserait-il ? L’avait-il déjà seulement envisagé ? Votre relation était tellement compliquée… Même si tu n’avais pas envie de sourire, cette étreinte avec ta cousine te remettait un peu de baume au cœur. Souriant péniblement, tu acquiesças de la tête à sa question avant de la suivre jusqu’à son bureau. Une fois la porte refermée derrière vous, tu grimaças en entendant sa question. « Non, je n’ai rien dit à Gaby. Enfin… Il n’est pas idiot. Il voit bien que je ne suis pas très bien en ce moment, mais il pense que c’est de l’anémie comme je le pensais jusqu’ici.» Peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être devrais-tu avoir la certitude d’avoir un petit être qui grandit en toi, avant d’envisager de lui en parler. Soupirant longuement alors que tu tendais une nouvelle fois l’enveloppe à Eunjoo pour qu’elle l’ouvre, tu sentis une vague de larmes t’envahir alors que tu tentais tant bien que mal, de les retenir… Émotivité de merde. « Pour être tout à fait honnête… Je ne sais même pas comment je vais faire pour lui en parler. Ce n’était pas dans mes projets et je suppose que ce n’était pas non plus, dans les siens. C’est tellement compliqué entre nous. Imagine avec un enfant dans les pieds… » Baissant un instant les yeux vers le sol, tu essuyas du revers de ta main libre, la larme qui venait de perler sur ta joue. « Je ne peux pas lui imposer quoi que ce soit et encore moins, l’emprisonner dans une relation dont il ne veut peut-être pas dans le fond… » Relevant ton regard, tu finis par t’approcher afin de donner l’enveloppe à ta cousine. « Vas-y ! Ouvre-là ! Ça tombe, je me joue un mélodrame pour rien ! » Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ?

Tu n'as rien dit à... Gaby ? Vous vous donnez des surnoms maintenant ? C'est mignon. On dirait vraiment que t'es amoureuse, mais à t'entendre parler on dirait que tu ne réalises pas que ta relation avec Gabriel est vraie. Est-ce que tu penses qu'il fait semblant, seulement pour te protéger des méchants dont tu m'as parlée ? Cela dit, je comprends le dilemme. M'enfin... Pas que je l'ai déjà vécu, j'suis même encore 100% vierge, mais je peux m'imaginer comment tu dois te sentir. Wow c'est digne d'un drama ! Je vois... Mais tu sais, il pourrait te surprendre ! Vous êtes vraiment marié, après tout. Et vraiment amoureux, aussi. J'ajoute, histoire de te rassurer... Mais peut-être que je devrais pas te faire de "faux espoirs". Je ne connais pas du tout Gabriel au fond, je ne l'ai même jamais vraiment vu. Juste en photo. Je nous guide jusqu'à mon bureau après avoir pris l'enveloppe de tes mains, puis referme la porte derrière nous. Okay... Tu peux aller t'asseoir. Je ne voudrais pas que tu perdes connaissance et te cogne la tête quelque part, ou j'sais pas quoi. J'attends que tu suives mon conseil pour commencer à déchirer l'enveloppe. T'es prête ? Je passe ma langue entre mes lèvres et sort le papier à l'intérieur, pour le déplier sous mes yeux. Seulement après ta réponse, je commence à lire les premières lignes. C'est positif. Je m'étais préparée d'avance sur ce que j'allais te dire, mais en voyant la confirmation, mon cerveau s'est vidé. Eonni... Je murmure, sur un ton qui veut tout dire, malgré tout...

Tu avais préféré ne pas répondre à ta cousine, alors qu’elle tentait de te rassurer comme elle le pouvait. Au fond de toi, tu espérais que la jeune femme ait raison. Ou peut-être que tu le savais, qu’elle avait raison. Après tout, quel homme sain d’esprit serait resté avec toi après tout ce que tu lui as fait subir, si ce n'était pas par amour ? Tu lui as pris la tête comme jamais personne ne l’avait fait avant toi. Tu t’es enfuie à plusieurs reprises. La moindre occasion étant bonne pour échapper à sa vigilance. Tu as joué avec sa jalousie à plusieurs reprises et à une époque, tu t’en étais même amusée. Récemment, tu l’avais -limite- harcelé en lui rappelant sans cesse sa brève idylle avec votre ancienne femme de ménage. Ancienne, oui. Il était hors de question, pour toi, de la garder, alors qu’elle s’était tapé ton mari sous tes yeux. Plus d’une fois, tu avais rêvé de lui arracher ce sourire nais qu’elle arborait quand elle le regardait… Jalousie, quand tu nous tiens. Quoi qu’il en soit, il était temps de connaître les résultats. Après l’invitation de ta cousine, tu étais partie t’asseoir. Une idée pas si mauvaise que ça, dans le fond. Un petit hochement de tête pour acquiescer que tu étais prête. Ne supportant pas de voir ta cousine sortir les résultats de l’enveloppe, tu venais de cacher tes yeux avec tes deux mains. Le silence. « Alors ? Ça dit quoi ? » La façon dont elle t’appelle, t’en dit déjà long sur la réponse. Et merde. Tes mains allèrent se poser sur tes cuisses. Si la chaise avait eu des bras, tu les aurais certainement tenus. Même si elle ne te l’avait pas dit clairement, tu sentais déjà au bord du malaise. « Je suis enceinte… C’est ça ? » Dis-tu comme si c’était la pire nouvelle qui pouvait te tomber dessus. En réalité, c’était effectivement, la pire. « Qu’est-ce que je vais faire ? » Ton regard fuit celui de ta cousine. Soudain, tu te sens si triste et si … Honteuse, que tu en attrapes les larmes aux yeux. « Je vais être maman. » Oui, tu vas être maman. Une super maman même si pour le moment, cela ne sonnait pas comme une évidence à tes yeux.

Un simple mot suffit pour te répondre... mon expression veut tout dire. Tu me demandes de confirmer que tu es enceinte et moi, je garde la bouche fermée, mais j'hoche la tête. Je tends la main pour venir prendre ton bras, en guise de soutien moral. Tout ira bien... Je souris un peu, me pince les lèvres. En vrai je ne sais pas ce qu'un enfant peut vouloir dire, dans ta situation. Ta vie n'est pas déjà en danger ou quelque chose comme ça ? C'est pas pour ça que t'as changé ton nom ? Tu vas être maman. Une bonne maman. Je referme ma prise sur ton bras, en te faisant un petit sourire.

Le choc. Être mère, ne faisait pas partie de tes projets. Ta relation avec Gabriel était ce qu’il y a de plus instable de ta vie et puis … Il y a toujours cette menace qui plane au-dessus de ta tête. Même si tu as changé d’identité, de ville et de vie, cela ne garantit pas le fait qu’ils ne te retrouveront pas un jour. Si tu avais déjà du mal avec l’idée que ton mari puisse être blessé par ta faute, comment comptais-tu vivre paisiblement en sachant de ton futur enfant pourrait devenir leur cible, lui-aussi ? Définitivement, l’annonce de ta grossesse n’était pas une bonne nouvelle. Sortant de ta stupeur en sentant la main de ta cousine se poser sur ton bras, tu ne peux t’empêcher de secouer la tête négativement. « Non, tout n’ira pas bien … » Bien que tu te sois retenue de pleurer toute à l’heure, tu ne pus te retenir plus longtemps lorsque la jeune femme ajouta que tu serais une bonne maman. « C’est la pire nouvelle qui pouvait me tomber dessus … » Cachant ton visage dans tes mains, alors que tu pleurais littéralement comme une madeleine, tu te mis à penser à ton mari. « Comment je vais pouvoir annoncer ça à Gabriel ? On commence à peine à s’entendre … Cette fois, il va vraiment partir … » Rien que d’envisager cette possibilité, ton cœur se serra. Après tout ce que tu lui avais fait subir et maintenant, ta grossesse … Ça serait compréhensible ? Non ? Reniflant, alors que tu tentais de te calmer, tu essuyas tes joues du revers de ta main. « Merci Euny pour … Ton aide. Je pense que je devrais peut-être rentrer … » Après cette annonce, la seule chose que tu avais envie de faire, c’était de te cacher sous tes couettes et de pleurer toutes les larmes de ton corps …