Une nouvelle fois, tu avais passé ta journée, assise contre ta fenêtre à regarder le monde monde tourner autour de toi. Ton regard s'était posé sur les nombreux passants bien trop pressés, pour remarquer ta présence. S'ils savaient ou simplement, s'ils imaginaient ce que cela faisait d'être enfermé dans une cage dorée, comme tu l'étais, ils profiteraient certainement un peu plus de la vie. Dans le casque que tu n'avais pas quitté de l'après-midi, se jouait ta playlist de balades k-pop, ce qui n'arrangeait rien à ton humeur maussade. D'ailleurs, tu ne t'attendais pas à sentir des larmes rouler le long de tes joues, lorsque ton regard se posa sur ce couple qui avait l'air sincèrement heureux. Comment tu le savais ? Le regard. Le regard ne trompait jamais. En réalité, ce qui te rendait triste à cet instant, ce n'était pas vraiment le couple. C'était plutôt leur bonheur. Tu n'étais -définitivement- pas heureuse. Ta vie ne t'appartenait plus et elle ne te ressemblait plus. Tu avais quitté toutes les choses que tu aimais pour finir dans cette maison à des milliers de kilomètres de ton pays, liée à un homme qui passait son temps à scruter le moindre de tes gestes. En vérité, tu n'en voulais pas à Gaby de faire son travail. Tu lui rendais la vie difficile alors que le responsable de tout ce cirque, n'était autre que ton père.  Gaby te ressemblait beaucoup. Lui aussi, était prisonnier dans ce faux mariage. Lui aussi, avait dû sûrement abandonner toutes les choses auxquelles il tenait pour assurer ta sécurité. Enfouissant ta tête dans tes genoux, alors que tes mains s'étaient posées sur ta tête, pour te cacher, alors que tu étais toujours contre ta fenêtre, tu t'étais mise à pleurer. Toi qui, d'ordinaire, donnait l'impression d'être une jeune femme forte, aujourd'hui, tu étais bien loin de tout ça. Alors que tu sanglotais, tu avais senti ton portable vibrer à côté de toi. Tu avais mis quelques minutes avant d'ouvrir le message que t'avait envoyé Gaby. S'il n'y avait eu que toi, tu ne l'aurais, certainement, pas lu. Le problème, c'est que si tu ne le faisais pas, ton garde du corps, déboulerait comme une furie dans ta chambre. La dernière chose que tu souhaitais, c'était qu'il te voit dans cet état. Relevant ta tête, tu essuyas tes larmes contre la manche de ton pull. Gaby te demandait de le rejoindre dans le hall. Tu soupiras avant de te lever, complétement résolue. Tu posas ton casque sur ton lit et tu passas rapidement devant le miroir de ta chambre afin d'effacer toutes traces de tes larmes.

Finalement, il ne se passa que quelques minutes avant que tu rejoignes enfin Gaby dans le hall. D'un ton tout à fait agréable, il planta -direct- le décor. En réalité, tu n'étais pas vraiment d'humeur à sortir aujourd'hui. Et évidemment, c'était aujourd'hui que Gaby avait décidé de te trainer dehors. Quelle poisse. " Tu es sérieux Gaby ? Je n'ai pas envie. Pas aujourd'hui. " Pourtant, tu savais déjà que le jeune homme n'en ferait qu'à sa tête, comme à son habitude. Peut-être avait-il quelque chose à faire dehors ? Ce qui expliquait sûrement qu'il te traîne de force avec lui ? " Si tu as quelque chose de prévu, va y ! Je resterais ici. Tu n'as qu'à demander à la gouvernante de garder un œil sur moi ou même m'enfermer dans ma chambre, si ça peut te rassurer. Pour une fois, je ne râlerais pas. '' Pour une fois ... C'est vrai que ce genre de discours ne te ressemblait pas. Pourtant, tu connaissais déjà sa réponse. Tu soupiras longuement avant de te diriger vers l'endroit où se trouvait ton manteau et tes chaussures. Tu les enfilas, tout en sachant que ce débat était déjà perdu d'avance. " On va où ? " Tant qu'à te faire emmener de force, autant connaître la destination.

Tu le détestais. Enfin non. Faux. C'était terriblement faux. Tu ne le détestais pas. Ce que tu détestais, c'était cet air autoritaire qu'employait Gabriel lorsqu'il s'adressait à toi. Tu ne faisais pas partie de ces personnes qu'on pouvait guider à la baguette, à qui on pouvait "ordonner". Tu avais toujours eu un esprit un peu rebelle. Cela avait d'ailleurs découragé ton père plus d'une fois. En vérité, tu n'étais pas vraiment rebelle. Disons simplement que tu étais amoureuse de la liberté. De ta liberté. Que ce soit de penser ou d'agir, tu aimais être libre de tes choix et de tes envies. Tu avais beau admettre au fond de toi, que toute cette situation n'était pas de sa volonté, c'est vrai. Cependant, tu aurais aimé qu'il te comprenne. Tu aurais aimé qu'il se lie à toi pour tenter d'échapper à toute cette situation. Tu aurais aimé faire des plans avec lui. Tu aurais pu garder le silence si l'envie lui avait pris d'aller prendre l'air seul, sans avoir à s'en faire pour toi. Tu serais même restée sagement à la villa. Le jour d'après, vous auriez inversé les rôles. Tu n'aurais pas été imprudente. Tu aurais fait attention à tes paroles et à tes fréquentations. Toujours dans le but de ne pas inquiéter le jeune homme. Tout aurait pu se passer d'une manière différente ... Différente de ce que vous vous faisiez subir à longueur de journées. Puisque Gabriel préférait te garder menotter à lui, tu avais décidé de jouer à cache-cache avec lui, à chaque fois qu'il baissait sa garde. Il t'arrivait d'être impitoyable, c'est vrai. Tu étais devenue très douée à ce petit jeu. Gabriel était un adversaire de taille. Pourtant, tu savais que chacune de tes fugues, l'inquiétaient.  En réalité, même si tu détestais la façon dont il se comportait avec toi parfois, cela te faisait un petit pincement au cœur lorsque tu le voyais dans tous ses états. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, tu n'avais pas la force de lutter. Tu n'avais pas la force de résister. Tu n'avais même pas eu la force de répondre lorsqu'il t'avait affirmer que c'était non discutable, cette sortie. Tu venais à peine d'enfiler ta veste et tes chaussures lorsque tu sentis la main de ton garde du corps se poser sur ton poignet afin de te tirer à sa suite, jusqu'à la voiture. Là non plus, tu n'avais pas eu la force de résister. D'ordinaire, tu te serais -certainement- laissée tomber à terre. Aujourd'hui, tu t'étais juste ... Laissée faire, sans un mot. Non. Sans aucun mot.

Lorsque vous vous étiez installés dans la voiture afin de prendre la route vers cette destination mystère, tu t'étais installée de manière à tourner un peu le dos à Gabriel qui avait pris le volant. Alors que ta tête reposée contre la vitre, tu t'étais simplement assoupie. Tu n'avais rien à dire et ton compagnon d'aventure, ne semblait pas plus éloquent que toi. Toute cette après-midi à sangloter, t'avait fatigué alors, autant profiter de la route pour te reposer un peu. Finalement, tu ouvris seulement les yeux, lorsque tu entendis la porte claquer. Un peu perdue, tu regardas autour de toi. C'est idiot, mais tu te mis à paniquer, l'espace de quelques secondes. Gabriel ? Où était-il ? Heureusement, ton garde du corps apparu à travers ta fenêtre. Soulagée, tu soupiras. Quelle idiote, tu faisais. Comme si Gabriel était capable de t'abandonner au milieu de nulle part. Quand le jeune homme t'annonça que vous étiez à l'endroit où il souhaitait t'emmener, tu lui adressas un regard perplexe. En réalité, tu n'avais pas encore regarder autour de toi. Par contre ... Cette odeur ... Ces cris. Tu les aurais reconnu d'entre tous. L'océan ? Passant une main sur ton visage afin de frotter tes yeux, tes lèvres s'ouvrirent légèrement quand Gabriel t'annonça avoir pensé qu'une petite escapade à la plage, te ferait plaisir. Pour le coup, il avait tapé dans le mille. Qu'est-ce qui aurait pu te faire autant plaisir, hormis ça ? Rien. Posant ta main dans la sienne, alors qu'il t'annonçait vouloir profiter de ce moment, tu te levas de la voiture et tu lâchas la main de Gabriel afin de t'avancer toute seule vers la digue. Tu marchais lentement. Tu avais l'impression d'être en plein rêve. Tu marchais sans faire attention à la présence de ton garde du corps qui ne devait pas être loin. " Ce n'est pas vrai ? Je crois rêver. " Non, tu ne rêvais pas. Une fois sur la digue, tu te stoppas. Une légère brise vint frapper ton visage. Le cris des mouettes sonnaient comme une jolie mélodie à tes oreilles. Et cette odeur ... Elle t'avait tellement manqué ... Le sentiment qui te traversa à ce moment-là, t'était inexplicable. Tu avais l'impression de ... Revivre. D'ailleurs, tu ne pus retenir tes larmes. Tu pleurais, mais cette fois-ci, ce n'était pas de tristesse. C'était même plutôt l'inverse. Lorsque Gabriel se retrouva à tes côtés, tu te retournas sur lui et ... Tu lui sautas dans les bras. " Merci Gaby ! Je suis si heureuse. Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir ! " En vérité, ce genre de gestes, ne te ressemblait pas. Cependant, l'intensité de ton bonheur, t'avait poussé instinctivement dans ses bras. Tu lui étais tellement reconnaissante. De tout ce que tu avais abandonné, le milieu marin était sûrement la chose qui te faisait le plus de peine. Mettant fin à cette accolade, tu tentas de te reprendre alors que tes mains envoyaient valser tes larmes. Souriant de toutes tes dents, tu lui tendis ta main. " On y va ? J'ai envie d'aller marcher près de l'eau. Ca ne te dérange pas ? " Etonnamment, tu lui avais demandé son avis alors qu'en réalité, qu'il le veuille ou pas, tu comptais bien le trainer jusque là. " On devrait se dépêcher si on ne veut pas rater le coucher de soleil au bord de l'eau ! "

En vérité, tu ne savais pas ce qu'il t'était passé par la tête, lorsque tu avais sauté dans les bras de Gabriel. Ce n'est qu'une fois que tu sentis son étreinte, que tu te rendis compte de ce que tu venais de faire. La joie que tu avais ressentie à cet instant précis, alors que ton regard s'était posé sur l'horizon, t'avait fait pousser des ailes. Des ailes qui t'avaient directement conduite  vers Gabriel. Inexplicablement, tu avais ressenti le besoin de partager avec lui, ta joie.  Dire que tu n'avais pas apprécié ces quelques instants, était un mensonge. Bien au contraire.  Malgré votre relation plus que houleuse, tu ne lui avais jamais montré à quel point ses efforts te touchaient.  Peut-être était-ce ta façon à toi, de te protéger. De te protéger de tes sentiments. Sentiments que tu éprouvais pour ce mari, aussi faux que la plupart de tes sourires. Que ce soit par simple habitude ou par résilience, tu avais appris à apprécier son existence, sa présence. Quand tu y pensais, cela te paraissait tellement fou. Et surtout ... Très compliqué. Trop compliqué. Tu t'en voulais. Tu avais succombé au charme de ton garde du corps et tu n'avais rien su faire pour l'en empêcher. Que tu le veuilles ou non, tu avais Gabriel dans la peau et tu étais incapable de t'en défaire, aujourd'hui. Même si tu tentais de te voiler la face, tu ne pouvais retenir les battements de ton cœur en sa présence. D'ailleurs, les loupés de ce dernier, lorsque ta tête se posa quelques instants contre lui, te firent reculer d'un coup, te mettant très mal à l'aise au passage. Heureusement, tu ne t'étais pas laissée déstabilisée par tes sentiments. Tu avais évincé les quelques larmes qui avaient roulé sur tes joues, lui proposant une petite balade au bord de l'eau, sous un magnifique coucher de soleil. En vérité, le côté ultra-romantique ne t'avait pas traversé l'esprit lorsque tu lui avais fait ta proposition. Tu n'avais fait le rapprochement qu'une fois ... Vos doigts entrelacés les uns aux autres. Décidément, tu t'enfonçais encore un peu plus ... Toujours plus.  " Allons-y alors ... " Dis-tu simplement alors que tu tirais Gabriel, afin qu'il te suive.

Pendant le trajet jusqu'au bord de l'eau, tu avais joué les enfants, t'arrêtant toutes les 30 secondes pour regarder les coquillages qui se trouvaient au sol. Tu en avais toute une collection dans ta chambre, mais tu ne pouvais pas t'empêcher de chercher la perle rare à chaque fois que tu te retrouvais sur une plage. Ta main n'ayant jamais lâché celle de ton garde du corps, rendait la tâche un peu plus compliquée, mais tu t'en moquais. Tu ne comptais pas la lâcher de si tôt. Cette proximité dont vous faisiez preuve, était très rare et pourtant, loin d'être déplaisante. Surtout pour toi. " Oh ... Regarde ! " T'étant mise accroupie pour effectuer tes recherches dans le sable, tu te relevas pour dévoiler la trouvaille qui se trouvait au creux de ta main. " Il est trop beau ! Je vais le ramener avec moi. Ca sera un souvenir, en mémoire de cette soirée ! " Une fois le coquillage mit dans ta poche, tu tiras Gabriel à ta suite. " Dépêche-toiiiiii ! Je crois apercevoir des DAUPHINS ! " D'après les recherches que tu avais effectuées, il n'était pas rare de tomber sur des dauphins à San Francisco. Cela faisait tellement longtemps que tu n'en avais pas vu que tu te mis à sautiller pendant que vous marchiez. Une fois arrivée non loin de l'eau, tu lâchas la main de Gabriel afin d'enlever tes chaussures. " Tu n'es pas obligé de me suivre. L'eau est sûrement froide. " Que l'eau soit froide ou non, tu t'en moquais. Tout ce que tu voulais, c'était ressentir cette sensation agréable que tu éprouvais à chaque fois que les vagues touchaient tes jambes et t'approcher un peu plus près des dauphins que tu avais aperçus. Souriant à Gabriel, tu lui fis un signe de la main avant de pénétrer dans l'eau. Lorsque tes orteils rentrèrent en contact avec l'eau, tu ne pus retenir un petit cri. " Wouah. Je te confirme, elle est glacée ! " Pourtant, cela ne t'empêcha pas de remonter un peu ton jean afin d'aller un peu plus loin dans l'eau. Alors que les vagues fouettaient tes mollets, tu fermas les yeux et tu pris une grande inspiration. Le goût iodé laissé par l'air à l'arrière de ta bouche, te rendait heureuse. Tu avais enfin l'impression d'avoir retrouvé cette partie de toi, qui t'avait tant manqué ... Te retournant pour faire face à Gabriel, alors que tu tendais tes bras à la Rose dans Titanic, comme si tu étais la reine du monde, tu te mis à crier. " REGARDEEEEEE ! JE SUIS LIBREEEE ! JE SUIS LIBREEEEEEEEEEEE ! " Plus heureuse que toi à ce moment-là ? Cela ne devait pas exister. La seule ombre au tableau ? Cette énorme vague qui te frappa, te déstabilisant au passage et éclaboussant tout ton jean et ta veste. " WOUAHHH MON DIEU. QU'EST-CE QUE C'EST FROID ! " Tu devais sûrement avoir fière allure maintenant, trempée comme une serpillière qu'on venait à peine de sortir d'un seau.