" Séisme : Mouvement brusque ou secousse de l'écorce terrestre, produit à une certaine profondeur, à partir d'un épicentre ". Une catastrophe naturelle sur laquelle, l'homme n'avait aucune emprise. Une catastrophe que la fac de médecine t'avait appris à gérer qu'en théorie. Fraichement diplômée en médecine d'urgence/ de réanimation, tu avais décidé de poser tes valises dans l'hôpital du centre de San Francisco. Tu aurais pu faire comme tes autres collègues de classe. Partir à la découverte d'un programme plus sophistiqué, plus performant. Cependant, ta vie était à San Francisco. L'homme que tu aimais, était à San Francisco. Tout te ramenait à cette ville que tu n'aurais quittée pour rien au monde. Tu étais heureuse. Ton boulot te rendait heureuse. Ce séisme qui avait frappé ta ville, était le seul point noir sur le tableau de ton bonheur. Ta famille était en sécurité, ce qui t'avait permis de rester concentrée sur les nombreux blessés, parfois graves, qui affluaient depuis deux jours. Tu avais enchaîné les gardes avec peu d'heures de sommeil. Toute l'équipe médicale était sur le pied de guerre. Hors de question pour toi, d'abandonner tous ces gens qui avaient besoin de ton aide. Couchée dans une salle de garde, tu venais à peine de fermer les yeux, lorsque ton téléphone résonna dans la pièce. L'infirmière en chef. Une urgence vitale. Personne de disponible pour s'en occuper. Tu es la seule de libre. Les pompiers et l'équipe d'urgence mobile, seront bientôt là. Tu devais faire vite. Attrapant ta blouse blanche, tu t'étais recoiffée alors que tu courais à travers les couloirs de l'hôpital, jusqu'à la salle de soins. Au vol, tu avais attrapé une infirmière. " Un trauma grave arrive. Vite. Préparez la salle de déchocage et le chariot de réanimation. Appelez déjà le labo et commander des poches d'O-, en urgence. Préparez aussi le respirateur et appelez le docteur Miller. Je vais avoir besoin de toute l'aide disponible. VITE. " A peine, venais-tu de crier tes ordres que l'alarme du garage des ambulances résonna. Tu avais attrapé une paire de gants au vol alors que le médecin de l'équipe d'urgence mobile, venait à ta rencontre. " Jeune homme de 23 ans, retrouvé après deux jours, enseveli sous des décombres. Importante plaie au niveau du crâne. Possibles fractures du bras et de la jambe. Tension artérielle à 7/3. Retrouvé inconscient sur les lieux. Lorsque les pompiers l'ont sorti, il a fait un arrêt cardio-respiratoire. Intubé sur place, il a déjà reçu 5 mg d'adrénaline. Avant d'arriver, sa tension a encore chuté, pouls filant. Ca n'annonce rien de bon ... Sa famille a déjà été prévenue par les services de police." Prenant une grande inspiration, tu tentas de garder ton calme. Le tableau clinique s'annonçait mauvais, mais tu devais garder tes idées claires. Il n'avait que 23 ans et encore, beaucoup de belles choses à vivre. Tu ne pouvais pas partir défaitiste. Tu devais tenter tout ce qui était en ton pouvoir pour l'aider. Tu ne pouvais pas juste, le laisser partir. Ce garçon devait avoir une famille, des amis ... Et si c'était ton petit frère ?

Tout s'était passé très vite. Son arrivée dans le service, son installation sur la table de la salle de déchoc. L'infirmière à qui tu avais donnée tes ordres, venait d'arriver avec les poches de sang. Tu ordonnas qu'on lui en fasse couler deux. Une alarme retentit. Le moniteur de la tension et des pulsations. Une autre infirmière se met à crier qu'elle ne sent plus de pouls périphérique. Posant tes deux doigts contre sa jugulaire, tu sens clairement qu'il n'y a plus aucun battement. Tu te mets à crier de commencer le massage cardiaque. Sous la manœuvre, tu entends ses côtes se briser un peu plus. Tu vois sa tête rebondir sous l'impulsion des mouvements, faisant voler ses cheveux remplis de sang. Asystolie ... Adrénaline 5 mg à nouveau. Une poche de sérum physiologique qui coule à une vitesse V-V' sur la perfusion centrale que tu avais juste eu le temps d'installer avant son arrêt. Le second médecin te rejoint. Tu lui peins très rapidement le tableau. Il te chuchote à l'oreille que ce pauvre garçon va sûrement y rester. Pourtant, tu refuses de l'entendre. Tu t'étais emparée d'un kit de gaz du sang. Ses extrémités semblaient bleues. Tu te devais t'assurer de son taux d'oxygène. Tu augmentas l'oxygénation du respirateur. Sur le moniteur cardiaque, une fibrillation. Serait-ce un espoir ? " Les palettes ! " C'était le moment, tu devais le choquer pour permettre à son cœur de repartir. Après trois essais, une nouvelle asystolie. Le médecin qui te seconde, soupire. " On est en train de le perdre. " Non. Tu refuses. Tu ne peux pas l'abandonner ... Une nouvelle dose d'adrénaline. Une troisième poche de sang et ... Le cœur repart enfin. Un rythme cardiaque apparaît. Une nouvelle tension 8/5. Ce n'est pas une grande victoire, mais c'est toujours ça.

Maintenant qu'il est stabilisé, tu l'auscultes. Pupilles dilatées. Ca s'annonce mal ... Hémorragie intracrânienne ? Sûrement. Seul un scanner ou un irm pourrait le confirmer. Sa cage thoracique en miette, tu tentes d'écouter ses poumons. Merde. Les bruits pulmonaires ne te plaisent pas. Tu entendais du liquide. Il fallait poser un drain thoracique. Une infirmière part en courant pour se procurer le kit. C'est ton collègue qui décide de s'occuper de la pose pendant que tu finis l'examen. L'abdomen semblait souple. Pourtant, tu savais qu'après avoir subi une chute et un écrasement, les blessures internes devaient être importantes. Une épaule démise. Une jambe cassée. Des plaies sur tout le corps. Une infirmière s'était déjà chargée de découper ses vêtements afin de commencer à panser les plaies suintantes. Une autre, tentait de nettoyer toute la poussière pour le rendre plus "propre" pour une chirurgie d'urgence. Il fallait absolument lever la compression cérébrale et stopper l'hémorragie interne. Les chirurgiens venaient de descendre. Le radiologue venait d'arriver, lui aussi sur place. Dans cette chambre, beaucoup de monde discutait de son sort. " On doit l'emmener tout de suite en chirurgie. On a déjà trop attendu ... Sa famille est-elle arrivée ? " Non. Toujours personne. Tant pis, la décision est prise. Toute une équipe s'occupe de son transfert en chirurgie. Toi, tu as fait ton job. Tu suivrais sûrement son évolution de loin.

Maintenant que le calme était revenu dans cette chambre, tu avais demandé son nom à l'infirmière qui tenait ses effets personnels dans ses mains. Un portefeuille. Une carte d'identité. Enoah Lovell, 23 ans. Quel joli prénom. Sur sa photo, il semblait si beau ... Rien à voir avec la personne que tu venais de voir. Curieuse, tu avais fouillé. Une photo retient ton attention. La photo était chiffonnée. Elle semblait avoir de l'âge. Sur cette dernière, trois jeunes. Enoah au milieu et deux autres qui le serrent dans leurs bras. Instinctivement, tu tournes la photo pour trouver des indices. Une citation qui te donne les larmes aux yeux : " C'est le souvenir que je veux garder de nous ". Il semblait tellement heureux ... De toutes tes forces, tu prias pour qu'il survive. Tu savais que la route serait longue, mais tu l'espérais sincèrement. De toute façon, tu comptais prendre de ses nouvelles. Une fois le matériel rangé, tu sortis de la chambre. Une jeune homme non loin, attira ton regard. Il semblait tellement bouleversé ... Tu ne sais pas pourquoi mais ... Son visage te semblait familier. Plantée devant la porte, tu restas quelques instants à le dévisager ... Jusqu'à ce que tes yeux se reposent sur cette photo que tu tenais dans ta main. Ce jeune homme ressemblait étrangement à celui qui se trouvait sur cette photo ... Tu devais en être sure. Doucement, tu t'approchas de lui. " Monsieur ? Vous connaissiez ce jeune homme ? ", dis-tu en lui montrant la photo. Une affirmation de sa part qui te brisa le cœur. Bien que tu sois tenue par le secret médical, tu ne pouvais pas te taire face à la détresse de ce jeune homme. Tu pris le temps de lui expliquer l'état dans lequel son ami se trouvait. Tu répondis à ses questions. Tu tentas tant bien que mal de le réconforter. Tu n'avais pas cherché à connaître quelle était -exactement- la relation qui les liait tous les deux. Cependant, une chose était sûre ... Ce garçon semblait totalement anéanti. Un nouvel appel sur ton téléphone. Une nouvelle urgence. Un nouveau patient qui avait besoin de ton aide. Tu dus te résoudre à le quitter. Tu lui souhaitas tout le courage du monde dans cette épreuve, avant de partir une nouvelle fois en courant ...

Lost in a dream ... Lost in a dream ... Oui, c'est ça. C'est exactement la sensation que tu avais eue. Après avoir lutté pendant une journée entière et une nuit, tu t'étais finalement endormi ... Paisiblement. Dans ton sommeil, tu n'avais ressenti ni douleur ... Ni peine. Bien au contraire. Dans ton sommeil, tu avais rêvé. Tu avais eu l'impression de vivre une vie qui aurait du être la tienne. Une vie que tu aurais certainement, aimé vivre. Une vie que tu aurais voulu vivre. Une vie que tu rêvais de vivre ... Une vie, qui ne ressemblait en rien à la tienne. Dans ce rêve, tu te voyais entouré de ta famille. Ton père et ta mère souriaient de toutes leurs dents alors que toi, tu faisais le pitre pour les amuser. Alors que tu t'éloignais, tu les entendais te crier qu'ils t'aimaient et toi, tu leur criais que tu les aimais aussi. Près d'un arbre, deux garçons de ton âge qui semblait discuter. Prenant ton élan, tu courras en leur direction et tu sautas sur leur dos, alors que tes bras entouraient leur cou et que tes lèvres se posèrent sur leur joue respective pour leur faire un bisou baveux. Les deux râlaient, mais te promettaient une vengeance qui ne tarda pas à arriver. Day ... Jay ...  Inexplicablement, ton cœur se serra même dans ton rêve. Pourtant, tu te mis à rire sous leur attaque de bisous. Ils t'avaient allongé sur l'herbe alors qu'ils te bavaient chacun à leur tour, sur ton visage. C'était tout à fait répugnant et d'ailleurs, tu fis la moue en t'essuyant le visage avec la manche de ton pull. Pourtant, tu n'avais jamais semblé aussi heureux. Etrangement, dans ton rêve, vous sembliez avoir le même âge qu'aujourd'hui ... Comme Jay et toi, Day était âgé de 23 ans, étudiant en musique. Vos parents vous avez loué un appartement que vous partagiez à trois et vous viviez heureux. Heureux, comme vous ne l'aviez jamais été ...

Un jour, quelque chose d'étrange se produisit. Tu faisais l'idiot avec tes amis, comme toujours, lorsqu'une voix lointaine résonna dans ton esprit. Une voix que tu ne connaissais que trop bien. Jay ... ? Incroyable. Comment la voix de ton ami pouvait résonner dans ton esprit alors qu'il se tenait devant toi ... En train de sourire ? Incompréhensible. A travers la peau de ta main, tu ressentis un frisson te parcourir alors que cette voix te demandait si tu l'entendais. Tu avais beau crier que tu l'entendais, ton ami semblait ... Immobile. Un peu comme s'il avait bloqué. Tu entendis des sanglots, ce qui te transperça le cœur de plein fouet, avant d'entendre des mots que tu ne semblais pas comprendre ... Te pardonner ? Ouvrir les yeux ? Devenais-tu fou ? Où étais-tu réellement en train de rêver ? Cette univers te semblait tellement réel ... Etais-tu mort ? A cette pensée, les images de ta chute et de ton agonie prirent la place de celles de tes amis et de cette petite vie parfaite que tu t'étais imaginé. Un bruit sourd résonna lui aussi, dans ton esprit ... Un bruit qui te rendait fou ... Un bipppp - bipppp constant. Autour de toi, tu entendais parler sans pour autant reconnaître toutes les voix. Une dispute ... Hana ? Jay ? Enfin, c'est ce que tu avais pensé entendre. Tes parents ... Ta mère qui pleurait à chaudes larmes alors que le médecin tentait de lui donner de l'espoir. Un autre médecin ... Il avait l'air plutôt sympathique. Il semblait prendre bien soin de toi. Peut-être devrais-tu penser à le remercier. Ses blagues t'avaient réconforté, alors que tu étais prisonnier de ton corps. Cette infirmière râleuse qui avait pris grand soin de tes cheveux. Elle t'avait surnommé " sa petite charlotte aux fraises". Mignon. Et puis ... Il y avait Jay. Sa voix. Sa main sur la tienne. Ses larmes que tu sentais couler sur ta peau. Tu aurais tellement aimé ouvrir les yeux et lui dire qu'il ne devait pas s'effondrer ... Que tout irait bien. Du moins, tu l'espérais. Il le fallait. Tu ne pouvais pas t'en aller sans revoir son visage. Sans revoir son sourire. Même s'il ne te pardonnerait jamais, tu voulais simplement le revoir et lui dire une nouvelle fois, combien tu étais désolé, toi aussi.

Cela faisait quinze jours que tu étais dans le coma, maintenant. Aujourd'hui, c'était le grand jour. Les médecins avaient jugé que tes paramètres vitaux, permettaient ton réveil. Quelle bonne nouvelle pour tes proches. Lorsque tes soins du matin furent finis, le médecin t'administra l'antidote de la sédation qui t'avait été administré afin de te garder dans un coma artificiel, le temps que tes blessures internes cicatrisent un peu. La sonde d'intubation te fut retirée elle-aussi. Même si tu restais en soins intensifs, la seule machine qui restait accrochée à toi, était le moniteur cardiaque. Tension à 12/6. Pulsation à 70. Des conditions idéales. Pourtant, tu ne repris pas connaissance tout de suite. Les médecins étaient inquiets.  En réalité, ils suspectaient une atteinte cérébrale ... Tu avais été réanimé trois fois en tout ... L'un d'eux parlait de séquelles plus ou moins importantes, ce qui expliquait que tu ne te réveillais toujours pas ... Tes parents prirent la décision d'attendre. Ils voulaient te laisser une chance ... Et ils eurent raison. Le lendemain, lorsque l'infirmière arriva dans ta chambre, tu ouvris les yeux. Parler ? Tu n'y arrivais pas. Du moins, pas très bien. Tes cordes vocales ayant été irritées par la sonde d'intubation. Quelques rares mots, sortaient de ta bouche. " B..On..j..Our ". C'était déjà un bon début.  Après une batterie de nouveaux examens, tu fus transféré dans une unité classique. Tu aurais certainement besoin de quelques semaines de rééducation et de quelques soins pour tes plaies, mais ... Tout irait bien pour toi. Enfin, tu pus mettre un visage sur toutes les voix que tu avais entendues. Ce médecin rigolo. Cette infirmière qui râlait. Tes parents ... Quelle ne fût pas ta joie. Tes larmes avaient coulé le long de tes joues, alors que tes parents te serraient dans leurs bras. " Pa ... Pa ... Ma ...Man ... ". Au cours de la journée, tu avais même pu boire un liquide franchement dégueulasse qui apaisa un peu la brûlure omniprésente dans ta gorge. Il était 18 heures. Tes parents devaient retourner. " Où ... Est .... Ja ... Jay ... Jae .. Ho ? " Tes parents t'expliquèrent que Jae-ho était venu te rendre visite tous les jours. Ainsi que Hana. Aujourd'hui, personne ne l'avait vu. Peut-être avait-il eu un imprévu. Tu étais déçu ... Mais pouvais-tu réellement lui en vouloir ?

Après le départ de tes parents, tu t'étais assoupi. Parler t'avait demandé beaucoup d'efforts. Beaucoup trop. Tu n'avais pas entendu la porte s'ouvrir. Tu n'avais pas senti la présence d'une personne à tes côtés. Par contre, tu sentis cette main se poser sur ta main, te faisant frissonner ... Comme dans ton rêve. Tu ouvris les yeux. Ton regard se posant sur la personne qui te tenait la main. Jay ... En le voyant, assis à côté de toi, tu sentis que les larmes commençaient à te monter. Tu l'avais tellement attendu aujourd'hui. Tu étais si heureux de le ... Revoir. Pourtant, tu décidas de lui jouer un petit tour. " Qui ... Qui Et ..es ... vo ... ous ? " Dis-tu difficilement, alors que tu grimaçais lorsque l'air te permettant de parler, frotta contre ta gorge inflammée. Ton regard n'ayant pas quitté ton ami, tu eus presque envie de sourire devant sa réaction alors qu'il pensait que tu avais perdu la mémoire. Pourtant, tu ne pus te résigner à le laisser paniquer bien longtemps.  Tu avais essayé de serrer sa main, mais tu en avais été incapable. La force te manquait.  " Ca ... Calme ... Toi ... Ja ... Jay, C'ét...ait une ... blague. "  Dis-tu en esquissant un petit sourire. En vérité, sourire était la seule chose que tu étais capable de faire, pour l'instant. " Je ... Suis ... content ... de .. te .. voir. " Dis-tu un peu hésitant, partagé entre l'envie de lui faire savoir et la peur qu'il te remballe avec des mots qui blessent, comme il l'avait déjà fait par le passé. " Je ... t'ai ... attendu ... toute ..la journée. " Dis-tu dans un nouveau souffle. Décidemment, parler avec Jay était ta meilleure rééducation. " J'ai .. cru que ... tu ne viendrais ... pas. " Dis-tu à bout de souffle alors que ta tête s'était enfoncée un peu plus dans ton oreiller.

Ton réveil était un miracle. Un vrai miracle. Une chance même. Peut-être était-ce cette fameuse seconde chance dont certain parlait ? Que certain attendait -parfois- toute leur vie sans avoir l'occasion de la vivre ? Une chance pour toi de voir la vie et surtout, ta vie d'une autre manière. Peut-être était-ce l'occasion pour toi de te remettre à vivre et de te sortir de cette bulle qui te retenait prisonnier depuis plusieurs années, maintenant.  Une occasion de te remettre à sourire, sincèrement ? Une occasion de pouvoir faire toutes les choses qui te rendaient heureux. Une occasion de rattraper tes erreurs avec Jay ... Du moins, s'il t'en laissait l'opportunité. Entre vous, il y avait bien trop de malentendus et de non-dits. Il y avait bien trop de rancœur. Tout cela devait cesser. Tu ne pouvais pas continuer à vivre ta vie de cette façon. Malgré tes nombreuses blessures et tes nombreux traumatismes, tu avais rouvert les yeux et tu ne semblais pas avoir de séquelles cérébrales à première vue. C'était un réel miracle. Du côté physique, c'était autre chose. D'après les médecins, tu devrais certainement rester encore quelques jours à l'hôpital et suivre un long programme de revalidation, si tu voulais pouvoir reprendre les bancs de la fac et te trémousser à nouveau dans les studios de danse. Tu savais que le chemin de ta guérison serait long. Très long, même. Mais il était hors de question que tu abandonnes. Tes parents comptaient sur toi. Ta meilleure amie, Hana comptait sur toi et surtout ... Jay devait, certainement compter sur toi. Ta mère t'avait expliqué que ton ami était venu. Tous les jours. Il avait été présent le jour où on t'avait retrouvé. Il avait vu les médecins te réanimer. Lorsque tu avais écouté le récit de ta mère, des larmes avaient roulé le long de tes joues. Ton cœur s'était brisé. Incapable d'essuyer tes joues, tu avais réclamé après lui. Personne ne l'avait encore vu aujourd'hui. Peut-être viendrait-il plus tard ?

Tu avais attendu toute l'après-midi, en vain. Epuisé, tu t'étais endormi. Pendant que tu te perdrais dans tes rêves, le temps te semblerait moins long. Lorsque tu avais senti ta main dans celle de quelqu'un d'autre, tu avais prié très fort pour que ce soit celle de Jay. Tu avais attendu quelques instants avant d'ouvrir les yeux. En réalité, tu avais peur. Ton cœur s'était emballé. Ton esprit voulait croire que cette personne qui se tenait à côté de toi, était Jay ... Quelle serait ta déception, si ce n'était pas lui ... Heureusement pour toi, ton ami se tenait bel et bien à côté de toi. Alors, tu avais voulu plaisanter un peu. Du moins, tu avais essayé à ta façon. Une plaisanterie définitivement pas drôle à en croire l'expression du jeune homme. Tu ne voulais pas l'inquiéter plus. Tu avais décidé de le rassurer. Lorsque tu sentis la petite tape sur ton épaule, tu grimaças. Malgré les antidouleurs, tu te rendis compte que ton corps te faisait mal. Qu'importe. Tu n'avais pas envie de te plaindre. Du moins, pas maintenant. Levant un instant tes yeux sur le plafond, tu soupiras légèrement. " Je ... Suis ... Désolé ... Jay. " Cela faisait des années que tu ne l'avais pas appelé par son surnom. Depuis que vous vous étiez retrouvé, tu avais pris le soin d'éviter toutes les marques d'affection à son égard, en commençant par ne plus l'appeler par son surnom. Tu ne t'en étais pas rendu compte, jusqu'à l'entendre sortir de ta bouche. Oups. Tu avais même avouer l'avoir attendu toute la journée. En même temps, c'était réellement ce que tu avais fait. Pourquoi lui cacher ? Même si tu avais peur de sa réaction, tu avais pris ton courage à deux mains. Tu ne pouvais plus continuer à faire semblant d'être insensible à son égard. D'ailleurs, tu sentis ton cœur se serrer lorsque tu vis les larmes rouler le long de ses joues. Tu aurais aimé le prendre dans tes bras ... Mais là, tout de suite ... Tu en étais incapable. Après 15 jours d'inactivité, tes muscles s'étaient relâchés. Cela reviendrait avec de la rééducation. Mais en attendant, tu devais prendre ton mal en patience. " Je ... te ... remercie ... même si ... tu ... n'aurais ... pas ... du. " Oui, il n'aurait pas du s'en faire pour toi. Jae-ho avait déjà bien assez souffert par ta faute. Pourquoi avait-il fallu que la vie lui mette encore une épreuve sur sa route, par ... Ta faute. Tu ne savais pas vraiment ce que tu repressentais à ses yeux, mais tu savais qu'à sa place, malgré la rancœur qui vous liait, tu aurais été dévasté de le voir dans le même état ...

Luttant contre tes propres larmes alors que celles du jeune homme roulait le long de ses joues, tu avais tenté de te redresser, en vain. Te laissant aller contre ton coussin, tu avais abandonné. Lorsque tu sentis la main de Jay serrer la tienne, tu tournas ta tête dans sa direction. Si ton cœur avait déjà du subir trois arrêts cardiaques en très peu de temps ... Il allait -certainement- en subir un quatrième dans très peu de temps. Les mots que prononça Jay, firent monter un peu plus de larmes dans tes yeux. Toi qui luttais depuis toute à l'heure, pour les retenir ... Revoir ton sourire ... Depuis combien de temps n'avais-tu plus souri en sa compagnie ? Ses mots te touchaient. Pourtant, tu tentas de le cacher ... " Je suis ... désolé que ... tu ais eu ... à endurer ... tout ça." Une nouvelle fois, tu t'excusas. En vérité, les mots te manquaient. Tu avais l'impression d'avoir perdu ton répondant face à Jae-ho. Et puis, c'était vrai ... Devant ses larmes et ce que tu lui avais fait subir entre l'épisode de la plage et ton coma, tu te sentais terriblement désolé. Alors que ton regard avait suivi le jeune homme, tu fus surpris par son geste. Ton cœur s'emballa, te coupant presque le souffle. Même si ton ami ne s'en rendait pas compte ... Son geste signifiait beaucoup pour toi. Peut-être était-ce la raison pour laquelle, tes larmes s'étaient mise à perler sur tes joues avant même que Jay reprenne la parole. Pleurant à chaudes larmes alors que tu étais en train de recevoir ses excuses, tu te sentis désespérément dévasté. Tu avais tellement souffert de toute cette situation. Jae-ho t'avait brisé le cœur à plusieurs reprises. Il l'avait piétiné avec une telle froideur que plusieurs fois, tu avais eu envie de ... mourir. Tu te souvenais encore de tout ce que le jeune homme t'avait dit dans ce studio de danse, après toutes ces années de silence. Tu te souvenais aussi de ceux, qu'il avait prononcés sur la plage avant ta noyade. Jae-ho avait mis tellement d'énergie à te blesser, sans relâche qu'aujourd'hui, tu ne pouvais plus faire semblant d'aller bien et d'être insensible. Incapable d'essuyer tes larmes, tu les laissais couler le long de tes joues. Tu devais paraître tellement misérable dans cet état ... " Jay ... Je ... " Tu avais voulu parler, mais ton ami t'avait coupé sur ton élan, t'avouant au passage qu'il tenait à toi. Trop. Ca en était trop pour toi. Pour ton cœur. En te réveillant ce matin, tu n'aurais jamais imaginé fondre -littéralement- en larmes ... Ton cœur, se remémorant toute la souffrance que tu avais enduré pendant toutes ses années, te faisait mal. " Tu n'imagines ... même pas ... toute la peine que j'ai du endurer ... depuis toutes ces années. J'ai ... voulu mourir un nombre incalculable de fois ... Et pourtant ... Sur ce lit d'hôpital ... alors que j'étais dans le coma ... La seule chose qui me retenait ... C'était toi. Moi aussi ... Je voulais te revoir ... Revoir ton sourire. Je ... ne voulais pas partir en sachant ... Que tu me détestais ... " Reprenant ton souffle entre deux avalanches de larmes, tu essayas de serrer sa main. Une pression qui se faisait à peine sentir. " Tu m'as manqué ... Jae-ho. Et même si ... tes paroles m'ont blessé et déçu ... Je ... Tu me manquais ... Tous les jours. Toutes les heures ... Toutes les secondes. Je n'ai pas attendu de tomber dans le coma ... Pour savoir que je tenais ... Toujours à toi. " Toi qui n'avait pas pour habitude de révéler le fond de ta pensée, tu étais éloquent aujourd'hui ... Peut-être était-ce les antidouleurs qu'on t’administrais ? Ou peut-être était-ce ta résilience ? Après tout, tu ne pouvais pas continuer à lui cacher tout ce que tu avais sur le cœur. Puisque votre conversation sonnait comme une confession, autant en profiter.

La sensation de sa main qui caressait ta joue, te fit frissonner. Ton petit cœur étant sur le point d'exploser. Tes sentiments s'enflammant au fond de toi. Tu avais tellement rêvé de ces instants. De ces échanges affectueux. Tu n'étais pas vraiment du genre tactile, mais face à Jay, ca avait toujours été une autre histoire. Tu l'aimais et malgré vos disputes et vos coups bas, tu n'avais jamais oublié ton premier amour. Lorsque tu l'entendis t'accorder son pardon, tu fermas les yeux quelques instants. Tu avais tellement attendu qu'il te pardonne pendant toutes ces années ... Cependant ... Le pouvait-il réellement ? Ce séisme pouvait-il réellement balayer toutes vos souffrances ? Non. Cela serait bien trop facile. " Je n'ai rien ... à te pardonner Jay. " Oui, après tout, ce n'était pas lui qui avait conduit au décès de votre ami. " Je ... ne veux pas que tu me pardonnes. Pas ... Comme ça. Aujourd'hui, tu me pardonnes ... sous le coup de la peur ... mais ... Un jour, ta rancœur pour moi ... reviendra. Je ... ne peux plus ... supporter nos disputes. C'est trop ... Difficile pour moi. " Difficile ... Un mot bien trop faible pour exprimer réellement, ce que tu avais enduré. " Tout ... est de ma faute. Je ... J'ai surement mérité tout ce que tu m'as dit. " Tes larmes avaient arrêté de couler. Tu en avais tellement versé, peut-être que ta réserve avait fini par s'épuiser depuis toutes ses années. " Jay ... tu me ... manques et c'est trop ... dure de vivre ... sans toi. " Fuyant son regard, tu te mis à murmurer doucement. " Je ne peux pas ... Vivre sans toi. " Etait-ce le début d'un autre aveu ? Sûrement.

Répéter sans cesse que tu étais désolé, depuis toutes ces années, ne t'avait apporté aucun réconfort. Pensais-tu réellement que cette fois, serait différente ? Pensais-tu vraiment que tu ne t'en voudrais pas d'avoir, encore une fois, fait souffrir ton ami ? La personne que tu aimes ? Non. Certainement pas. Tu t'en voudrais encore pendant un long moment. Même si le séisme et ta chute, n'étaient pas de ton ressort, tu te sentais coupable. Coupable d'avoir voulu aider ces personnes sous les décombres. Comme beaucoup, tu aurais très bien pu attendre les secours. Tu aurais très bien pu y aller doucement. Au lieu de ça ? Tu avais couru dans la gueule du loup, sans te soucier de ta propre sécurité. Tenais-tu réellement à ta vie ? La question, tu te l'étais posée à plusieurs reprises lorsque tu t'étais retrouvé enseveli sous les décombres, dans ce trou. Après ta tentative de suicide à Jeju, ta noyade sous les yeux de Jay et maintenant, ta disparition ... Tu avais eu le temps d'y réfléchir longuement. Tu avais eu le temps de négocier ta survie et de promettre que tu vivrais autrement. Tu le devais. Tout d'abord, pour tes parents. Ces parents que le ciel t'avait envoyés. Avec eux, tu avais une vie parfaite. Tu n'avais jamais manqué de rien et tu avais toujours su trouver une oreille attentive à leurs côtés. Ces dernières années, tu avais été leur préoccupation majeure. Tu savais que ta mère n'était jamais sereine lorsqu'elle n'avait pas de tes nouvelles. Tu savais qu'elle s'inquiétait beaucoup pour toi. Pour eux, tu tenterais d'être un meilleur fils, désormais. Et puis, il y avait Jae-ho. Ce meilleur ami. Ce premier amour que tu n'avais jamais su oublier. Si tu n'avais eu aucun mal à quitter ton île natale pour Séoul, le jeune homme avait hanté tes pensées chaque jour qui avait suivi. Lorsque tu l'avais revu, tu avais pensé qu'il  pourrait te pardonner. Que peut-être, vous pourriez reprendre un nouveau départ. Même si tu ne pourrais jamais lui avouer tes sentiments, tu avais longtemps pensé que tu préférais être son ami, plutôt que de vivre loin de lui et de ses blagues qui ne font rire que lui ...

C'est vrai, tu lui avais avoué que tu tenais toujours à lui et ce, malgré tout ce qu'il s'était passé entre vous. Après tout, pouvais-tu réellement balayer du revers de la main toutes les années que vous aviez passées ensemble ? Avec Dae-hyun ? Ses longues heures à rire comme des idiots et à s'imaginer un avenir. Un avenir que définitivement, tu ne voyais pas sans le jeune homme. Alors oui, l'entendre te pardonner aussi facilement, t'effrayait. Tu ne voulais pas qu'il te pardonne aussi facilement. Tu connaissais ton ami. Tu connaissais son côté rancunier. Même si les événements avaient joué en faveur de votre réconciliation, tu savais que Jay garderait toujours une petite rancœur à ton égard. Comment pourrait-il en être différemment ? Tu étais la cause de décès de votre ami. Tu étais la cause des souffrances de Jay. Tout était de ta faute. Tu te l'étais répété tellement de fois ... Comment pourrait-il en être autrement, maintenant. Tentant de calmer tes larmes tant bien que mal, tu avais croisé le regard de Jay. Fermant légèrement les yeux, tu t'attendais à te prendre une remontrance de sa part, mais contre toute attente, Jay resta calme alors qu'il admettait que la situation avait certainement apaisé plus rapidement sa rancœur. Au moins, vous étiez d'accord sur ce fait. Esquissant un léger sourire, tu posas une nouvelle fois ton regard embrumé par tes larmes, sur ton ami. " Je le sais, Jay. C'est pour cette raison, que je ne pensais pas que ... Tu me reviendrais un jour." Avec toutes les marques de haine que Jae-ho t'avait balancées à la figure, tu n'avais jamais imaginé que vous pourriez, un jour, rediscuter calmement. Rien que ça. A l'époque, tu n'avais jamais osé espéré pouvoir lui parler à cœur ouvert, comme tu étais en train de le faire depuis ton réveil. Secouant légèrement la tête, tu refusais d'entendre le jeune homme te dire que lui aussi, avait sa part de responsabilité dans cette tragédie. " Je vais faire comme si, je n'avais rien entendu. Mais ... On en reparlera le jour où je serai capable de te secouer ! " Oui, un jour quand tu iras mieux, il faudra que vous ayez, enfin, cette discussion. Un jour. Mais pas ... Aujourd'hui.

Contre toute attente, alors que tes larmes avaient cessé de couler, tu pris ton courage à deux mains pour lui avouer que vivre sans lui, t'était difficile. Tu avais même été jusqu'à lui dire que tu ne pouvais pas vivre sans lui. Des confessions que tu n'aurais jamais pensé lui faire, il y a encore quelques jours. En vérité, tu avais un peu peur de sa réaction. Tellement peur que tu t'enfonças un peu plus dans ton lit, alors que tu tentais de respirer calmement afin de retenir le rouge qui menaçait d'apparaître sur tes joues. Le silence qui s'en suivit, te mit très mal à l'aise. Entendre Jae-ho prononcer ton prénom de façon aussi hésitante, te fit regretter un peu plus tes paroles. Pourquoi avait-il fallu que tu lui avoues ça ? Autant lui avouer que tu étais amoureux de lui, tant qu'à faire la prochaine fois ... Suivant ton ami du regard, tu fus une nouvelle fois surpris lorsqu'il te prit dans ses bras. Pourtant ... Tu ne pus t'empêcher de poser ta tête contre son épaule, respirant discrètement son parfum au passage alors que Jae-ho t'avouait que toi aussi, tu lui manquais. Soupirant légèrement, alors que ton ami t'aidait à te réinstaller dans ton lit, après cette étreinte bien trop courte à ton goût, tu te mis à sourire légèrement. " Si cet idiot arrête de se vider de ses larmes, je pourrai peut-être l'envisager ! " Après ce torrent de larmes, tu t'étais lancé le défi de tenter de le faire sourire un peu. Après tout, Jay avait déjà beaucoup trop pleuré à ton goût.  " Dis plutôt que ce qui t'a manqué, ce sont les nombreux game over que je t'ai mis sur le jeu ! " Avais-tu eu à peine le temps de prononcer avant que les lèvres de Jae-ho ne se pose sur les tiennes. Surpris par son geste, tu ne pus t'empêcher d'écarquiller tes yeux. Si tu n'avais pas été cloué à ton lit, il était clair que tu l'aurais certainement retenu. Clignant plusieurs fois des yeux afin de reprendre tes esprits, pendant que Jay s'excusait, tu tentas de poser difficilement l'une de tes mains sur tes lèvres. " Qu'est-ce que ça veut dire ? " Avais-tu prononcé instinctivement, encore sous le choc. Posant ton regard sur le jeune homme, tu remarquas qu'il semblait affreusement mal à l'aise. Se pourrait-il que ... ? Non. Impossible. Il était impossible que Jay partage tes sentiments. Peut-être que ce baiser n'était que le résultat d'un trop plein de ... Joie ? Secouant ta tête afin de remettre tes idées en place, tu cherchas à casser le silence qui venait de s'installer. " Ne sois pas désolé, Jay. Je suppose que l'émotion doit y être pour quelque chose ... " Baissant un instant le regard, tu te mis à murmurer doucement. " Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre, après tout ? " Te rappelant les photos que Jay avait partagées sur son Instagram, tu relevas ton regard en sa direction. " Promis, je ne dirais rien à la fille aux tresses de trois kilomètres de long. Je ne voudrais pas qu'elle te largue simplement parce que tu as embrassé ton pote revenu d'entre les morts, sous le coup de l'émotion. " Mordant ta lèvre inférieure, tu tentas de contrôler cette petite pointe de jalousie qui avait teinté la fin de ta phrase. Car oui, tu étais affreusement jaloux de cette fille que tu avais vu apparaître au bras de Jae-ho dans ses publications Instagram. Si tu avais pu et surtout, si tu la côtoyais, tu aurais certainement été du genre à lui tirer les tresses volontairement alors que tu feindrais la maladresse ...