La journée avait été longue ... Très longue. Trop longue pour toi. Tu étais épuisé. Ce voyage t'avait littéralement épuisé. La seule chose que tu voulais, c'était te coucher. Te coucher afin de te remettre de ces 12 heures de vol, et de ces 16 heures de décalage horaire. Si pour toi, il était presque dimanche, le cadran de ton téléphone affichant 23h45, pour les personnes que tu aimais et que tu avais laissé, malgré toi, il n'était de 8h45. Une belle matinée ensoleillée pour ce samedi 2 mai. Un peu plutôt dans la soirée, tu avais reçu un message de Cami, ce qui t'avait donné un peu de courage pour finir tes derniers essayages. La styliste envoyée par l'émission dans laquelle tu chanterais le lendemain, t'insupportait. Elle te dévorait des yeux, te donnant l'impression de n'être qu'un morceau de viande. Tu avais dû subir ses avances et elle, avait du subir tes humeurs. Tu détestais qu'on te touche. La seule à qui tu laissais ce privilège, n'était pas là. Cami n'avait pas pu t'accompagner. Elle aussi, avait des projets en dehors de tes tenues. Tu n'avais pas voulu l'obliger. Tu ne voulais pas être un frein dans sa carrière. Tu ne voulais pas être un frein dans sa vie. Tu aimais son indépendance. En réalité, tu aimais tout chez elle et surtout, tu l'aimais ... Elle. Tu t'en étais rendu compte tardivement. Tu n'avais jamais été un expert en amour. Tu n'étais jamais tombé amoureux. Comment aurais-tu pu reconnaître les signes ? Finalement, peut-être que la jeune femme avait eu raison de te pousser dans tes retranchements. Ce soir-là, tu avais bu plus que de raison, mais cela ne t'empêchait pas de te souvenir de chaque chose, dans les moindres détails ... De ce battement de cœur, lorsque tu l'avais pris dans tes bras, jusqu'à cette sensation complètement indescriptible, mais tout à fait euphorisante, lorsque tes lèvres capturaient les siennes. En une fraction de seconde, cette fille t'avait rendu totalement accro à elle. C'était pour cette raison que tu avais décidé de tout lui avouer, en chanson pour ne pas changer, lorsque tu rentrerais à la fin de la semaine. Tu n'avais jamais été doué avec les mots. Tes chansons étaient ta façon de t'exprimer. Tu lui en avais déjà écrit une. Celle où tu lui avoueras que tu l'aimais, sera la deuxième, et sûrement pas la dernière ...

Tu venais de fermer les yeux, lorsque tu sentis ton portable vibrer. Tu n'y aurais pas fait attention, si l'opération ne s'était pas répétée plusieurs fois. Comme beaucoup de personnes, tu étais abonné à des applications de news en live. Ce n'était pas rare que tu reçoives des alertes lorsqu'un événement inattendu et de grande envergure, se passait chez toi ou dans le monde. Tu ne sais pas pourquoi, mais lorsque ta main se posa sur ton portable afin de l'attraper, une étrange sensation te transperça. Tu avais l'impression que toutes ces notifications ne présageaient rien de bon ... Tu tardas même à déverrouiller l'écran de ton téléphone. Sur le moment, tu trouvas cela complétement idiot d'être aussi anxieux alors que tu ne connaissais pas la raison de ces nombreuses alertes. Tu avais lu un jour, que l'instinct ne trompait jamais. Qu'est-ce que tu aurais aimé que cette phrase se soit trompée ... Juste une fois. Juste une unique fois ... Ton regard croisa le gros titre de l'article le plus récent ...

Séisme de magnitude 6.3 sur l'échelle de Richter à San Francisco.

Lâchant quelques instants ton portable, tes mains virent frotter tes yeux endormis et totalement épuisés, par ce que tu avais dû vivre depuis deux jours. Le peu de sommeil devait sûrement te faire halluciner. C'était la seule solution possible et surtout, acceptable à tes yeux. Ton regard se posa une nouvelle fois sur l'écran de ton portable. Sur l'article cette fois ...

Ce matin, vers 8h04, les premières secousses se sont fait sentir au sein de San Francisco. D'après les premiers témoignages, plusieurs quartiers ( Center, West Side notamment) seraient plus gravement touchés. Nous n'avons pour l'instant, aucune information concernant le nombre de blessés et de victimes. Les secours seraient en route, mais étant donné l'ampleur de la catastrophe, les lieux seraient difficiles d'accès. Un nouveau point d'information sera fait lorsque nous aurons plus d'informations.

Pour être honnête, tu ne sais pas combien de temps, il t'avait fallu pour réaliser ce qui était en train de se passer. Ton regard avait parcouru une bonne dizaine de fois, l'article que tu venais de lire. Te redressant dans ton lit, tu avais décidé de parcourir un autre article. Et encore un autre ... Et encore un autre. Tu ne savais pas combien tu en avais lu. Tous disaient la même chose. Un séisme était en cours dans ta ville. Cette ville que tu avais décidé de quitter pour une semaine. Cette ville où se trouvait les personnes que tu aimais. Ta maison se trouvait dans l'une des zones sinistrées, mais tu t'en moquais. Tu pourrais toujours retrouver un nouvel appartement. Tu pourrais toujours racheter du mobilier et toutes les choses qui ornaient dans ton penthouse luxueux. Par contre, la seule chose que tu ne pourrais pas racheter, c'étaient tes proches. Jun. Cami. Maddie. Ces personnes t'étaient chères. Ils te permettaient de continuer à faire semblant. Semblant d'aller bien, même quand la seule chose dont tu aurais envie de faire, c'était de disparaître ...

Depuis le décès de ton frère jumeau, tu t'étais perdu. Il était ton âme-sœur. La personne qui te ressemblait le plus. Malgré son caractère autodestructeur, tu le considérais comme la meilleure partie de toi-même. A cette époque, tu n'aurais jamais imaginé ta vie sans lui. Enfant discret, tu vivais dans l'ombre de ce frère qui prenait beaucoup de place dans ta vie. Si tu vivais à travers lui ? Possible. Tu étais le jumeau qui s'effaçait, qui suivait son frère aveuglément. Il était ton repère. Il était ton monde. C'est sûrement la raison pour laquelle, tu avais eu l'impression de mourir lorsque la police avait frappé à la porte de chez ta mère et ton beau-père. Tu te souviendrais toujours du regard de ta mère et ... De ta détresse. Pendant les jours qui avaient suivi, tu avais prié pour le rejoindre. Tu ne voulais plus vivre dans une vie dans laquelle Manoe n'existerait plus. Enfermé des jours entiers dans cette grande chambre, qui était la tienne, tu étais resté allongé. Refusant de t'alimenter. Refusant de sortir. Le jour de l'enterrement de ton frère, restera à jamais graver dans ta mémoire ...

A cette époque, Jun avait été ta bouée de sauvetage. Vous étiez amis depuis l'enfance. Après ton frère, il était la personne qui te connaissait le mieux. Il avait assisté à ta descente aux enfers et il avait refusé de te laisser tomber. En réalité, tu n'as pas été tendre avec lui. Tu l'as même repoussé de toutes tes forces. Mais Jun avait tenu bon. Il t'avait pris par la main et t'avait montré comme la vie pouvait être belle, malgré la douleur et la souffrance. En réalité, tu n'avais jamais trouvé la vie belle. Comme un animal blessé, tu te sentais toujours en détresse. Tu avais toujours l'impression de marcher sur une corde raide, prêt à glisser d'un côté ou de l'autre, à tout moment. Pourtant, tu faisais l'effort de sourire, de vivre ... Pour lui. Lorsque les premiers symptômes de ta maladie et le diagnostic étaient tombés, tu n'avais pas eu le courage de le lui avouer.  Son sourire était la chose la plus précieuse à tes yeux et tu refusais de le voir disparaître. Tu refusais de voir ton ami s'en faire pour toi, à chaque fois que tu serais obligé de te rendre en urgence à l'hôpital. Tu refusais d'avoir un traitement de faveur. Alors tu avais simplement continué ''comme si'' rien n'était, affrontant tout seul ces longues nuits passées à l'hôpital. Tu trouvais toujours une bonne excuse. Une autre fille dans ton lit, une autre soirée en compagnie de Levi, un autre voyage pour le boulot ... Tout était bon pour te servir d'excuse. Jun était habitué à tes extravagances. Depuis le décès de ton frère, tu avais radicalement changé. Tu étais devenu ce Mélohé, que tout le monde connaît. Cette idole idolâtrée par les fans et les femmes, ayant toujours une remarque sur le bout des lèvres et n'accordant aucun respect aux gens qui t'entouraient. Tu vivais d'abus, ce qui mettait ta vie en danger à chaque fois, mais tu t'en moquais. De toute façon, tu te sentais déjà mort à l'intérieur ...

Ta main serrait ton téléphone entre tes doigts. Tu ne pouvais pas rester sans nouvelles. Tu avais tapé son prénom sur ton écran, en espérant qu'il te réponde rapidement. Tu devais savoir. Tu devais t'assurer qu'il allait bien. Tu devais t'assurer que Jun était sain et sauf. Tu espérais qu'il soit encore chez lui à cette heure. Tu espérais qu'il soit en train de faire la Grass 'mat. Tu espérais que son appartement n'ait pas été touché. Vos logements n'étaient pas à l'épicentre du séisme. Tu avais de l'espoir. Du moins, un peu. Tu attendis quelques secondes avant de lui renvoyer un deuxième message, puis un troisième, puis un quatrième ... Puisque les messages ne semblaient pas le réveiller, tu te dis que tu aurais sûrement plus de chance avec des appels ... Appels, eux-aussi, restés sans réponse. Etait-ce une blague ? Jun, youtubeur connu toujours accroché à son smartphone, avait décidé, justement aujourd'hui, de ne pas répondre. Etait-ce une blague ? Une blague de très mauvais goût. Tu n'appréciais pas ça. Tu détestais ça. Tu étais loin, bien trop loin pour aller tambouriner chez lui et l'engueuler ... Pourtant, tu décidas de lui laisser une chance de te répondre. De toute façon, tu devais envoyer d'autres messages à d'autres personnes ...

Ta main s'était mise à trembler quand tu avais envoyé ton premier message à Cami. Ton estomac s'était serré. Dans les articles que tu avais lu, tu avais vu que le quartier dans lequel habitait Cami, avait été touché de plein fouet par le séisme. De même, pour le quartier où se trouvait son atelier. Tu ne sais pas pourquoi, mais au fond de toi, tu espérais qu'elle soit allée chez toi. Comme si ton appartement était l'endroit le plus sûr ... Quelle vaste blague. C'était idiot, car tu savais que sa soirée entre filles, s'était terminée tard. Que serait-elle allée faire chez toi à cette heure-là ? Malgré toi, des visions d'horreur s'étaient mises à défiler devant tes yeux. Et si elle dormait lorsque les immeubles s'étaient effondrés ? Et si elle n'avait pas senti les tremblements ?  Et si ... Et si .... Un tas de questions tournoyait dans ton esprit, te rendant déjà fou d'avance. Tu t'es relevé de ton lit. Tu t'étais mis à faire les cent pas dans ta chambre. Tu cherchais tes mots. Tu avais commencé à écrire un roman, que tu avais finalement effacé. Tu hésitais. Tu t'arrachais les cheveux au passage. Finalement, tu avais opté pour un simple ... Cami ? Comme tu l'avais fait pour Jun. Elle aussi, d'habitude, ne trainaît pas à te répondre. Une nouvelle fois, tu attendis quelques secondes avant d'en renvoyer un deuxième ... Puis un troisième ...

Bon dieu ! Pourquoi ne répondaient-ils pas ? Que leur était-il arrivé ?

Ta première ligne de défense, était la colère. Pourquoi ne répondaient-ils pas ? Avaient-ils tous, quelque chose de mieux à faire ? Quelque chose de plus intéressant ? Répondre à tes messages, avait-il si peu d'importance à leurs yeux ? Tu étais fou d'inquiétude derrière ton téléphone, attendant désespérément un signe de leur part ... Tu avais même tenté de contacter Maddie ... Sans réponse. Sous ton regard, ta conversation avec Cami. T'essayant sur le bord de ton lit, tu te mis à imaginer tous les scénarios possibles et inimaginables. Pourquoi ne te répondrait-elle pas ? La première idée qui t'avait traversé l'esprit ? Les chippendales. Vous en aviez parlé, en plaisantant. Se pourrait-il qu'elle ait rencontré un type à son goût et n'ayant pas un caractère de merde ? Serait-elle réellement capable de te larguer par sms, alors que vous n'étiez même pas ensemble ? Faisait-elle la morte pour éviter d'affronter ta colère lorsque tu l'apprendrais ? Redoutait-elle que tu pètes un câble en apprenant qu'elle préférait un autre type ? A moins que ce ne soit pas ça ... Se pouvait-il qu'elle regrette ? Qu'elle regrette tout ce qui s'était passé entre vous ? Cette nuit que vous aviez passée quelques jours plutôt. Ces moments échangés sur son balcon ou encore ... Ce dîner hyper romantique qu'elle t'avait préparé le soir avant ton départ ? Se pourrait-il qu'elle se soit rendu compte qu'elle faisait une erreur ? Peut-être que votre relation professionnelle comptait beaucoup plus à ses yeux que ... Le reste ? Avait-elle simplement eu envie de profiter de toi, comme toutes les autres avant elle ? Avoir Mélohé Moon, devait avoir quelque chose d'excitant dans le fond ... Peut-être que ta réticence à l'approcher, l'avait refroidie ? Après tout, tu n'avais pas pour réputation de refuser les avances des jolies filles. A moins que ce soit ton passé sulfureux ? Tu ne comptais plus le nombre de gonzesses d'un soir, que tu t'étais tapé. Tu ne tenais plus le compte depuis un bon moment. En réalité, ta réputation était ce qui t'avait poussé à la repousser, lorsque tu t'étais rendu compte de ton attirance pour ta styliste. Tu ne voulais pas lui imposer ça. Tu savais que ton passé pourrait la pousser à la jalousie. Tu ne voulais pas lui imposer la crainte de se demander, ce que tu faisais lorsque tu partais en tournée ou en voyage. En vérité, si tu avais été à sa place, tu serais sûrement devenu fou de jalousie, à chaque fois qu'un type aurait le malheur de poser son regard sur elle. Même si vous vous étiez disputé après le dernier tournage que tu avais fait, tu comprenais son ressenti. Comment ne pourrais-tu pas le comprendre ?

Quoi qu'il en soit, tu étais bien décidé à la pousser à bout pour qu'elle te réponde. Alors, tu t'en étais donné à cœur joie. Tu l'avais supplié. Tu l'avais même menacé d'abattre ta colère sur elle. Mais rien n'y avait fait ... Tes messages restaient toujours sans réponse .... Tu n'avais même pas hésité à balancer le sujet de la femme de ménage sur le tapis. Même s'il n'y avait strictement rien eu avec une quelconque femme, tu voulais simplement la piquer afin qu'elle réagisse. Là encore ... Aucune réponse. La colère commençait à t'omnibuler. Ta main, qui tenait ton téléphone, s'était levée. Tu t'apprêtais à balancer ton portable contre le sol, mais tu en fus incapable. Si tu cassais ton appareil maintenant, tu ne pourrais plus envoyer de messages, ni en recevoir. Et s'ils te répondaient entre temps ? Hors de question. Soupirant longuement, tu avais reposé ta main et tu étais passé au suivant sur ta liste. Jun. Maintenant, c'était au tour de Jun de se prendre tes nerfs en pleine figure. De toute façon, il était habitué. Ce n'était pas la première fois et sûrement pas la dernière fois, que tu l'incendierais par message ...

Et Jun ? Pourquoi ne te répondait-il pas, cet idiot ? Avait-il passé une nuit mouvementée avec cette nana d'Instagram, dont il t'avait parlé ? En vérité, si ça avait été vraiment le cas, tu aurais sûrement été fier de lui. Enfin fier ... Non. Tu n'aurais pas été fier. Tu aurais simplement été soulagé de voir que ton meilleur ami avait d'autres préoccupations dans la vie que ... Toi. Tu ne serais pas fier, tu serais soulagé. Soulagé de savoir que Jun pourrait compter sur quelqu'un d'autre, le jour où tu ne serais plus là. Si cette nana était la réponse de son silence, tu pourrais peut-être envisager de lui pardonner ... Peut-être. Par contre, s'il ne répondait pas car il était en pleine séance câlin avec son tigre malodorant ... Tu ne serais plus maître de toi-même. Ce n'était pas que tu détestais cet animal. C'est juste que tu étais jaloux de l'attention que Jun lui donnait constamment. Tu avais l'impression que ton ami ne voyait que son chat. Ne pensait qu'à son chat et ça te rendait littéralement chèvre. Et puis, il était clair que le courant entre toi et cet animal fourbe, ne passait pas. Il ne ratait jamais une occasion de planter ses griffes dans tes jambes ou dans ton bras. C'était donc tout naturellement, que tu avais menacé son chat. Le passer au barbecue, te semblait être une bonne idée. Tu aurais été tout à fait capable de le faire. Tu savais que Jun répondrait si tu te mettais à insulter son chat. C'était ton moyen le plus sûr de le faire réagir. Pourtant, rien ... Nada. Que dalle. Toujours pas de réponse.

Finalement, voyant que la colère ne menait à rien ... Tu commenças à vouloir marchander avec eux. Tu avais des arguments plutôt convaincants. Le chat de Jun pourrait frotter ses fesses contre toi, pendant que Cami ... Pendant que Cami ... En fait, tu avais simplement supplié Cami de te répondre. Tu voulais simplement qu'elle te rassure. Tu ne voulais pas savoir ce qu'elle faisait. Tu voulais juste qu'elle te fasse un signe. Qu'elle te dise que tout allait bien .... Là encore, tes nombreux appels et sms, restèrent sans réponse. Dans cette chambre où le silence régnait, tu sentis que bientôt, tu vrillerais ... Leur silence ne t'amusait plus ... La seule chose que tu voulais, c'était qu'au moins, l'un des deux, te réponde. Tu te mis même à prier. Chose qui ne te ressemblait pas. Tu avais juste besoin de savoir, qu'au moins une des deux personnes à qui tu tenais le plus, était en sécurité, maintenant.

Ton manager venait pénétrer dans ta chambre. Il n'avait pas attendu que tu l'autorises à entrer. Il s'était juste ... Imposé. Il était essoufflé. Il venait sûrement de faire un sprint jusqu'à ta chambre. Alerté par les bruits fracassants qui émanaient de cette dernière, il s'était précipité jusqu'à toi. Dans cette chambre d'hôtel, tu avais -presque- tout retourné. Par terre, du verre brisé. Les meubles poussés dans tous les sens. L'une de tes mains en sang. Prisonnier d'une crise d'hystérie, tu hurlais. Tu paniquais. Tu ne voulais voir personne. Ton manager complétement impuissant face à ton état, cherchait à savoir ce qu'il te prenait. Tu étais totalement incontrôlable. Tu lui crias que c'était de sa faute. DE SA FAUTE. Ce voyage. Il t'y avait presque obligé. Tu avais accepté pour lui faire plaisir. Résultat des courses ? Tu te trouvais à des milliers de kilomètres de chez toi, sans nouvelles de tes proches pendant qu'un séisme sévissait. La haine et le désespoir transperçaient ton regard.  Les mots que tu prononçais, lui semblaient totalement incompréhensibles. Le pauvre homme n'était pas au courant, puisqu'il dormait avant d'être réveillé par le vacarme émanant de ta chambre. Saisissant son téléphone, il comprit. Il chercha à te calmer, mais il faisait pire que mieux. Aveuglé par ta souffrance, tu n'arrivais plus à contrôler ce flot d'émotions qui te submergeaient. Cela faisait plus de deux heures que tu tentais de joindre tes proches et tu ne pouvais plus supporter d'attendre. Des pensées sombres avaient pris possession de ton esprit. En fouillant sur le net, tu étais tombé sur un article fraîchement sorti. Il mentionnait le nombre impressionnant de portés disparus et ... de morts. Il ne t'avait fallu qu'une fraction de seconde pour t'imaginer le pire. C'est à cet instant précis, lorsque tu avais compris que ton meilleur ami et la femme que tu aimais, étaient peut-être morts, que tu avais vrillé. Tu avais hurlé de toutes tes forces. A t'entendre, on aurait pu croire à un petit porcelet qu'on était en train d'égorger ... Tu t'étais mis à détruire tout ce qui se trouvait sur ton chemin. La douleur ... Cette douleur, t'avait complétement rendu fou. Complétement incontrôlable.

Devant ton manager, tu continuais de hurler. Tu voulais rentrer chez toi. Tu voulais aller t'assurer que tes proches étaient en sécurité. Tu voulais prendre le premier vol. Tu voulais prendre une fusée, même, si cela te permettait d'être en quelques instants à leur côté. Mais cela t'était impossible. Ton manager te cria que tu avais des responsabilités. Des engagements. Mais ça, tu t'en moquais complétement. Comment pourrais-tu te produire sur un plateau télévisé, en sachant qu'ils étaient peut-être morts ? Non, impossible. Tu ne pourrais jamais. Deuxième argument pour te retenir ? L'inaccessibilité de l'aéroport de San Francisco. L'heure tardive. Le temps de vol interminable. A tes yeux, tout n'était qu'excuse pour te retenir contre ton gré. Tu avais lancé des menaces. Tu l'avais menacé d'arrêter ta carrière. Carrière à laquelle, il tenait. Tu étais l'un de ses plus gros artistes. Il tenait à toutes les choses que tu représentais pour son business. Devant ta détermination, il céda. Il allait se démener pour tenter de joindre les hôpitaux et les services de police, afin d'essayer de retrouver Jun et Cami. Pendant les appels, tu t'étais senti mal. Tu avais l'impression d'être au bord du malaise. Complètement intolérant à l'anxiété qui te rongeait, tu avais dû t'asseoir quelques instants. Tu t'étais assis sur la seule chaise ayant survécu à ta rage. Ta tête posée sur le mur, tu avais fermé les yeux quelques instants, alors que tu tentais de tendre l'oreille pour écouter les informations qui étaient données à ton manager. Il mit du temps à t'expliquer ce qu'il avait appris ... Les hôpitaux ne comptaient pas tes amis dans leurs murs. Les services de police ? Ils n'avaient pas encore identifié toutes les personnes décédées. Cependant, il y avait une fille qui semblait ressembler à la description de Cami. Elle avait été retrouvée dans les décombres de West Side. Ton esprit ne chercha pas plus loin ... Il ne laissa aucun bénéfice aux doutes. Pour toi, cette pauvre fille était Cami.

Appuyé contre ce mur, tu n'avais pas répondu aux nombreuses sollicitations de ton manager. Tu étais resté silencieux. En réalité, tu étais complétement sous le choc. Tu aurais aimé parler, mais ... Aucuns mots n'arrivaient à sortir de ta bouche. Finalement, celui que tu détestais le plus en cet instant, t'avait quitté, afin de te laisser seul. Ce n'est que lorsqu'il referma la porte de ta chambre derrière lui, que tu t'effondras.  Tu t'es mis à pleurer à chaudes larmes, alors que tu venais à peine de te calmer. Même avec la meilleure volonté du monde, tu n'arrivais pas à te ressaisir. Ta raison avait pris la poudre d'escampette, te laissant seul et abandonné à tes pensées les plus obscures. Tu tenais toujours ton smartphone dans ta main. Tu avais encore tenté d'envoyer des sms à Cami ... A Jun. Cependant, l'espoir qui t'animait depuis que tu avais commencé ton harcèlement, t'avait quitté, désormais. Complétement. Tu te sentais comme ... vidé. Affreusement, vide alors que tes larmes continuaient à couler le long de tes joues. Comme un zombie, tu t'étais levé de ta chaise en pensant te rendre jusqu'à ton lit pour t'allonger. Cependant, tu n'eus pas la force d'aller jusque là. Te laissant tomber au sol, tu avais senti les morceaux de verre pénétrer à travers les mailles de ton t-shirt, te blessant au passage. C'est idiot, mais la seule chose que tu retiendras de ta chute, c'était le bruit fracassant lorsque ton corps avait touché le sol. La douleur ? Tu n'avais rien senti. Rien du tout. Anesthésié par ta souffrance, le reste n'avait plus aucune importance. Non, plus aucune.

Allongé sur le sol, tu te repassas le fil de ta vie. La mort de ton frère. Les moments heureux avec ton meilleur ami. Ta rencontre avec cette styliste qui avait volé ton cœur. Cette carrière qui t'étouffait. Tous tes souvenirs repassaient devant tes yeux, te rendant spectateur de ta propre vie. Ton regard fixant le plafond, tu te rendis compte qu'il t'était très difficile de vivre. Encore plus, sans les personnes que tu aimais. Tu avais toujours dit que Manoe était la seule personne que tu t'étais résolu à perdre, malgré toi. Tu avais toujours dit que tu ne supporterais pas une nouvelle perte. Tu refusais de supporter une nouvelle perte. C'était trop douloureux. Trop insupportable pour toi. C'était la raison pour laquelle, tu avais préféré faire taire ton attirance pour Cami. Tu ne voulais pas t'attacher à elle et prendre le risque de la perdre. Tu savais d'avance, que tu ne le supporterais pas. Elle t'avait promis que ça n'arriverait pas. Elle t'avait promis qu'elle ne te blesserait jamais. Elle t'avait promis de ne jamais t'abandonner ... Mais ... Qu'était-elle en train de faire ? Jun aussi, te l'avait promis ... Mais où étaient-ils ? Tous les deux ? Le souvenir de leurs promesses te tordait le cœur. Te rendant un peu plus insensible, à chaque instant. Tu n'avais pas bougé depuis plusieurs minutes, jusqu'à ce que tu te sentes suffoquer. Tu avais l'impression d'étouffer. Tu aurais aimé que ce soit le cas ... Vraiment. Après tout ? Qu'est-ce qui te retenait, maintenant ? Plus rien. Absolument pour rien. Toutes les personnes que tu aimais, semblaient avoir décidé de t'abandonner. Et toi ? Tu ne voyais plus aucune raison d'exister, puisqu'ils étaient ta raison de vivre et de te tenir debout, chaque matin, jour après jour ...  

Alors que tu venais d'envoyer un énième message à Jun, tu ressentis l'horrible besoin de le voir ... La solution ? La vidéo de votre dernier Urbex. Celui du parc d'attraction. Devant tes yeux, tu pouvais voir son sourire. Au loin, tu pouvais entendre ses rires. C'est idiot, mais tu avais eu l'impression d'entendre ton ami rire à travers la porte de ta chambre ... Simple hallucination auditive, causée par ta souffrance. Tu savais que Jun ne se trouvait pas derrière ta porte, pourtant ... Tu ne pus t'empêcher d'espérer un miracle. Rassemblant le peu de force qu'il te restait, tu te redressas. Les rires ... Tu continuais de les entendre ... Tu t'étais remis à pleurer en appelant ton ami ... " Jun ? Jun ? C'est toi ? ". Ta voix était ... Déchirante et brisée. Posant ta main blessée sur la poignée de la porte, tu te stoppas un instant. Les rires ... Tu pouvais toujours les entendre. Tu ouvris et tu cherchas dans le couloir ... La réalité te frappa une nouvelle fois. Ton ami n'était pas là ... Et peut-être que tu ne pourrais jamais revoir son beau sourire et entendre son rire tellement communicatif, que tu aimais tant ...