Un mensonge dès la naissance ~

Mi Nam était né en Corée du Sud, et il avait un frère jumeau. Mais cette famille lui avait été arraché quelques jours à peine après ses premiers instants de vie. Il avait été kidnappé par une organisation mystérieuse américaine.

La vérité ? L’homme engagé était un employé de l’ombre, vivant du trafic d’êtres humains pour personnes fortunées.

Ces clients étaient suffisamment fortunés pour pouvoir se permettre d’acheter/voler un enfant à ses parents, et de lui créer tout un tas de faux papiers. Et ce client, qui s’en était pris à la famille de Mi Nam, était coréo-américain : Seo Han Bin était passé du côté obscur de la société en faisant appel à ce criminel.

Cet homme qui avait eu le malheur de croiser Mi Nam et de l'échanger contre une forte somme d’argent, avait d’abord pris soin de cacher le nourrisson et de prodiguer les premiers soins au nouveau-né précoce (avec l’aide de toute une équipe médicale de l’ombre dans des locaux tenus secrets). Une fois la transaction financière effectuée, l’homme s’était chargé de faire passer Mi Nam au père -le temps de lui faire ses faux papiers.
À ce moment-là, Han Bin se trouvait encore en Corée du Sud avec Eun Jeung (sa femme), hospitalisée et alitée à domicile pour des raisons de santé assez importantes…
Et même plutôt graves, car quelques jours avant le kidnapping de Mi Nam, elle avait eu un accouchement relativement compliqué. Elle y avait perdu connaissance, et avait également perdu son bébé, un beau petit garçon.

Et loin de vouloir lui dire la vérité, Han Bin avait préféré devenir un criminel, contacter une organisation dangereuse, et financer le kidnapping d’un bébé, en remplacement du sien. Toute cette histoire avait été compliquée pour lui, il avait dû gérer toutes les transactions financières et l’avancement du kidnapping (et des soins de ce qui allait devenir son fils), tout en organisant le plus gros mensonge de sa vie. Il avait persuadé les médecins et infirmiers chargés du suivi de Eun Jeung (en faisant pression sur le directeur de l’hôpital grâce à ses nombreuses relations corrompues) de ne pas lui annoncer tout de suite l’horrible nouvelle en prétextant une forte fragilité mentale. Bien évidemment, par la suite, il s'est arrangé pour que sa femme change de médecin et ainsi éviter de révéler quoi que ce soit.

Ce n’est que quelques temps après, lorsque la santé du nourrisson et de la maman le permis, que la famille Seo : Han Bin, Eun Jeung et Mi Nam, retournèrent à New-York, dans leur résidence principale.


Mais pour Mi Nam, la version officielle –jusqu’il y a peu-, était qu’il était né à New York ( et y avait été hospitalisé en même temps que sa mère, à cause de problèmes de santé). Il était fils unique, de Seo Han Bin et Seo Eun Jeung. Sa famille était donc à moitié américaine et coréenne.

Son père, Han Bin, était un architecte coréo-américain mondialement connu (dans le milieu du design et de l’architecture) avec plusieurs agences situées dans de nombreux pays. Sa propre mère était américaine, et son père coréen, c’était d’ailleurs pour cette raison que le nom qu’il portait était coréen.

Eun Jeung était une artiste peintre coréenne également connue. Elle avait exposé dans de nombreuse grandes galeries d’art en Corée du Sud (à l’époque avant d’avoir Mi Nam) et à New York de manière beaucoup plus actuelle.

Eun Jeung n’avait jamais été mise au courant de la véritable origine de son fils, fils qu’elle aimait toujours sincèrement. Elle avait une petite santé depuis son accouchement mais essayait de rester positive en toute occasion.
Alors oui, Mi Nam ne leur ressemblait pas tant que ça, mais inconsciemment, elle s’était toujours persuadé que ce beau jeune homme était tout simplement un mélange incroyable entre elle et son mari.

Depuis ce qu’elle croyait comme étant son accouchement de Mi Nam, elle travaille à domicile et quitte rarement sa grande propriété.


Un début bien compliqué ~

Mi Nam n’avait jamais été simple à gérer, bien que plus petit, il était moins virulent. Il faisait régulièrement des crises d’angoisse, avec une peur panique du noir et des grands espaces (ça ne s’est pas vraiment arrangé avec l’âge). Et durant ces crises, il traversait des épisodes de crises de tétanies et de mutismes qui pouvaient parfois durer des mois entiers, tant et si bien qu’il avait fini par apprendre le langage des signes pour pouvoir continuer à communiquer un minimum (tout en continuant à apprendre le coréen et l’anglais). Il avait également développé des… Intolérances au bruit. Pas tous les bruits, mais certains. Le bruit de la mastication par exemple, des sons stridents (comme de la craie ou de la céramique qui crisse), les pleurs des bébés, etc.

Il était en plus de tous ses problèmes, harcelé à l’école pour ses différences (par les élèves mais également par les professeurs). Il avait étudié dans une grande et riche école d’enfants de ‘’de’’… De quoi ? Eh bien, des enfants d’architectes, de policiers, de pianistes, de chirurgiens, d’avocats, de journalistes, de juges, de chefs d’entreprise, de politiciens, etc…
Et malgré cet univers en apparence doré, le racisme était également de mise (et même dans les beaux quartiers où il vivait) et ça n’avait pas aidé Mi Nam à s’épanouir. Au contraire.


Un échec scolaire mais une révélation artistique ~

Mi Nam avait décidé bien assez tôt, lorsqu’il était au lycée, qu’il ne suivrait pas la voie de son père. L’univers beaucoup trop sérieux de l’architecture l’ennuyait à mourir (et tout ce qui lui rappelait son père en réalité). Il ne pouvait pas s’y exprimer. Et puis, il ne pouvait plus voir en peinture ces filles de et ces fils de. Racistes, fourbes, incroyablement imbus d’eux-mêmes. Ne pas continuer ses études, c’était se sortir de ce milieu pourri où le nom plus que les capacités pouvaient ouvrir les portes de la réussite.

« Pour quoi faire ? » Lui avait asséné son père, lorsque Mi Nam l’avait ‘’informé’’ de sa volonté de tout arrêter. L'école d'archi', les demandes de stages, les fausses amitiés avec des amis ayant des parents célèbres ou influents
Rien ne devait venir perturber le tableau de la petite famille parfaite de Han Bin. Ni son fils rebelle (qui n’était pas son fils biologique), ou sa femme dépressive.
Alors autant dire que la raison de Mi Nam, « vouloir devenir tatoueur » n’était certainement pas ce qu’il aurait voulu entendre à ce moment-là.

Eun Jeung avait quant à elle approuvé le choix de son fils, mais elle désirait quand même le voir au moins suivre des études d’arts plastiques. Pour qu’il soit sûr, que son parcours soit validé.

Ce fut la première fois que mère et fils furent en violent désaccord. Se sentant trahis par sa propre mère, Mi Nam a commencé à fuguer de manière épisodique d’abord, puis de manière de plus en plus récurrente, en se perdant dans les rues parfois malveillantes de New York. Il avait eu des moments sombres, avait vu des personnes dangereuses, goûté à des choses dangereuses, et avait vécu des choses… Qui auraient pu le pousser à mal finir.

Mais en parallèle, et c’était peut-être ce qui l’avait sauvé, il se cultivait en lisant des livres sur la peinture, l'histoire et l’art en général. Il n’aimait pas le système scolaire, il ne lui correspondait pas, mais il aimait apprendre. Apprendre à peindre et dessiner surtout, et également à composer des chansons. L’art le fascinait, et c’était réellement avec des pigments qu’il pouvait s’exprimer. Il pouvait peindre sur une toile, sur une table, sur un mur en brique, sur la peau… Et ce dernier point était son support préféré.
De cette manière, son art prenait réellement vie. Il était sublimé par un corps, une personne, une personnalité… Et c’était le mélange des deux qu’il trouvait fascinant. C’est pour cette raison qu’il affectionnait le body painting et le tatouage.

Mais voilà, si sa mère était sensible à l’intérêt de son fils pour l’art, Han Bin l’était… Beaucoup moins, et les conflits allant, Mi Nam passait plus de temps à traîner dans des squats, vivoter en travaillant pour quelques dollars, que de vivre et d’étudier l’architecture dans ses beaux quartiers New yorkais.

Un beau jour, alors qu’il venait d’avoir 18 ans, Mi Nam qui était bien renseigné sur sa double nationalité coréenne et américaine par ses grands-parents maternels et sur le net (Han Bin était toujours un peu réticent lorsqu’il se montrait curieux par rapport à ses origines coréennes), avait décidé de faire son service militaire en Corée du Sud, et pour cela, il avait creusé le sujet à fond, pour tout connaître, les démarches, les papiers demandés, où s’enrôler et quand le faire…

Ce fut dur, mais pour une fois, la double nationalité qui lui avait apporté jusque-là souffrance et racisme, allait lui offrir ce qu’il voulait plus que tout : Faire chier son père, et même l’emmerder profondément.

Et ce fut une réussite… … Plus ou moins. Car non seulement il arrêtait officiellement ses études pour autre chose.
Cette autre chose, c’était l’armée coréenne, même s’il ne s’agissait que d’un service militaire de quelques mois.
Et en plus, tout allait se dérouler dans un autre pays que le leur, et ce pays se trouvait être la Corée du sud, pays que Han Bin ne semblait pas apprécier pour des raisons obscures...

Alors oui, Mi Nam était allé totalement à l’encontre de la volonté de ses parents, mais en contrepartie, il en avait sacrément bavé. Faire son service chez les marines n’était vraiment pas chose aisée, loin de là. Et même pour l’inscription, il avait rencontré plusieurs problèmes administratifs du fait de la mauvaise communication entre les deux pays de ses origines.  Il était loin de penser à ce moment-là que s’il n’avait pas été trouvé au début sur les listes de recensement, c’était surtout parce qu’il n’avait pas été enregistré à ce nom-là, parce qu’il avait été volé il y a de ça 18 ans…

Néanmoins, loin de tous ces mensonges, l’expérience avait été incroyable. Il avait pu se retrouver comme un « anonyme » parmi d’autres asiatiques, et c’était réellement la première fois. Il n’était plus moqué pour la forme de ses yeux, pour son nom, pour l'une de ses langues…

À la fin de son service militaire, Mi Nam a pris son courage à deux mains et commencé à travailler dans un salon de tatouages et de piercings à New York. Bien évidemment, son père ne le déshérita pas, mais il lui paya un appartement loin de leurs beaux quartiers… Comme pour le punir. À croire qu’il n’avait toujours pas compris son fils. Mi Nam n’aimait pas l’opulence et le trop plein de richesse, alors il fut le plus heureux des hommes avec son petit appart dans son quartier un peu craignos. Les voitures qui brûlaient régulièrement en bas de chez lui, c’était moins la joie, mais son indépendance était ce qui lui importait réellement.

En travaillant, il s’était fait quelques amis, le propriétaire notamment, une cliente et deux trois autres employés. C’était d’ailleurs dans cet endroit qu’il avait recouvert une bonne partie de son corps de tatouages (pour le plus grand déplaisir de son père).

Han Bin, bien qu’ayant une excellente réputation aux yeux de tous -de manière purement officielle-, était en réalité un bien mauvais mari (en plus d’être une personne malhonnête et un piètre parent). Il trompait régulièrement sa femme et ne s’en cachait qu’à peine. Il avait un bon nombre d’amis hauts placés et corrompus, trempait même parfois dans des histoires pas très nettes.

Mi Nam ne savait pas et ne comprenait pas tout, mais ce qu’il savait, c’était que son père était infidèle. Et c’était la principale raison de ses disputes avec sa mère : pourquoi ne demandait-elle pas le divorce ? C’était sûr qu’il la trompait et obtenir des preuves ne serait pas bien compliqué... Non ?

Et c’était pour lui ouvrir les yeux que Mi Nam était parti à la chasse aux informations. Il l’avait fait pour elle, cette mère beaucoup trop gentille et naïve. Il voulait lui permettre de pouvoir retirer ses chaînes et de se libérer de l’emprise de son mari.
Alors oui, ce n’était pas simple d’espionner son père et de fouiller dans ses bureaux sans se faire prendre. Il avait mis plusieurs mois à trouver les agences où il pourrait trouver des papiers intéressants (des notes, des emplois du temps, etc), et encore plus de temps pour cracker les mots de passe de son père (grâce à l’aide de certaines de ses connaissances), pour dégager des accès à certains ordinateurs.

C’est de cette manière que Mi Nam appris une chose assez grave pour changer son destin et celui de la famille Seo.

Devait-il en parler ? Confronter son père ? Et sa mère, était-elle au courant ? Est-ce que toute sa famille avait passé ses 28 ans à lui mentir ?
Mi Nam avait mis du temps à se décider, mais il avait fini par faire un choix. Ces papiers incompréhensibles, ou plutôt qu’il ne voulait pas comprendre, il ne pouvait pas tout simplement continuer de vivre avec. Il avait trouvé des actes de naissances différents, des photos, des analyses… Beaucoup de dossiers médicaux difficiles à comprendre en premier lieu. Il n’y aurait pas fait attention s’ils n’avaient pas été si difficiles à obtenir. Sans aucun doute que Han Bin avait gardé ces papiers dans le cas où Mi Nam contracterait une maladie héréditaire… Peut-être ?

Suite à cette découverte, il était allé trouver son père pour découvrir la vérité. Et ce qu’il y avait appris ne lui plut pas. Il s’était ainsi disputé violemment avec Han Bin. Ce fut… Physique.

Mais bien que l’idée l’ait traversé, il n’en avait finalement pas parlé à sa mère et avait préféré lui dire qu’il souhaitait simplement partir, voyager dans son pays d’origine et y ouvrir son salon de tatouage. Son père l’avait averti que sa mère déjà fragile ne connaissait pas la vérité, et ne devait jamais l’apprendre, pour le bien de sa santé mentale.

Mais le mensonge… Contrairement à son ‘’père adoptif’’, Mi Nam pouvait très difficilement vivre avec. Même s’il ne vivait plus avec ses parents depuis son retour de Corée du Sud, il ne pouvait aisément plus regarder aucun membre de sa famille dans les yeux. Tout l’insupportait, il s’interrogeait sans cesse sur sa famille biologique.
Est-ce qu’ils le cherchaient toujours ? Combien avait-il de frère et sœur ? Comment étaient-ils ? Et son jumeau ?... Est-ce qu’il avait aussi rencontré ses propres mal-être ?

Toutes ces questions incessantes lui avaient montré la voie qu’il devait suivre.

Alors oui, il allait s’envoler pour Séoul, même si c’était difficile de choisir de tout quitter : Sa mère, ses quelques amis qu’il commençait TOUT JUSTE à supporter (il n’allait pas leur dire, fallait pas rêver) … Mais…

Il était débrouillard après tout. Alors il pouvait le faire. Il devait le faire.

Han Bin (depuis sa découverte, Mi Nam refusait de le reconnaître, même comme son père adoptif, et il ne voulait plus le voir) a essayé d’acheter son silence en lui achetant un appartement luxueux à Séoul en apprenant son départ, une moto, une voiture luxueuse, et beaucoup d’autres artifices… Sans succès. Durant leur dispute, Mi Nam l’avait menacé de beaucoup de choses (de le défenestrer entre autres), et surtout de révéler la vérité pour qu’il paie tout le mal qu'il avait fais. Mais il n’avait pas encore mis ses menaces à exécutions, car elles auraient toutes une conséquence sur la santé de sa mère…

Contrairement à Han Bin, Eun Jeung était une femme droite et honnête et il était certain qu’elle ne supporterait pas d’apprendre tout ce que son mari avait pu faire.

Mi Nam avait donc quitté New York le cœur lourd pour d’abord prendre de la distance, et réfléchir à toutes ces révélations. Il n’avait pour le moment rien révélé, mais il ne comptait pas en rester-là avec Han Bin. Et cette famille cachée, ses véritables origines, il devait en savoir plus.


Et maintenant ? ~


Arrivé à Séoul depuis quelques mois à peine, Mi Nam était en pleine galère. Il avait bien trouvé un petit salon de tatouages qui aurait pu lui permettre de vivre convenablement mais c’était sans compter sur un détail et pas des moindres. Il ne pouvait pas exercer son métier de tatoueur en Corée du Sud, car il lui fallait un diplôme de médecine. Et comme il n’était pas question de s’infliger de retourner dans le système scolaire (et avec quel argent ?), il vivotait avec quelques boulots trouvés ici là. Il pouvait travailler sur des chantiers, travailler dans des supérettes, travailler comme homme de ménage… Il faisait tout, tout ce qui pourrait l’aider à subvenir à ses besoins, sans utiliser l’argent de Han Bin. C’était hors de question.

En dormant dans des squats, et en travaillant d’arrache-pied (et sans manger tous les jours) , il avait pu s’acheter une voiture d’occasion et en règle générale, il vivait dedans. Il y dormait (avec sa peur des grands espaces, il avait du mal à ne pas dormir dans des endroits ultra confinés), il y mangeait… Et pour ce qui était de l’hygiène, il acceptait à ce moment-là de se rendre dans le penthouse du « sale type » pour se laver sommairement. Parce qu’il avait besoin de travailler pour vivre, et que pour travailler, il fallait être propre un minimum pour éviter de se faire mettre dehors.

Mi Nam pourrait utiliser l’appartement qui était d’ailleurs à son nom, et ses nombreux comptes bancaires relativement bien fournis, mais il ne s’en sentait pas légitime. Ce n’était pas le cas avant, et encore moins maintenant. Il n’avait aucun lien de sang avec les Seo.

Il avait pris le goût à la rue lorsqu’il était adolescent. Le monde de la nuit et ses dangers… Et puis il pouvait également continuer de peindre, surtout grâce au body painting et au street art. Peut-être qu'il pourrait également percer dans cet univers-ci.

Alors est-ce qu’il était prêt à se poser tranquillement ?... Pas sûr. Peut-être qu’il pourrait retrouver sa famille biologique, quelque part en Corée du Sud…
Il n’était pas sûr de vouloir reprendre contact, mais au moins de les voir. Juste… une fois.

Il savait qu’il n’était pas né à Séoul, mais qu’importe, le billet d’avion le moins cher qu’il avait trouvé pour aller de New York à la Corée, était celui-ci. Il avait donc atterri dans cette grande ville. Et il comptait rassembler un maximum d’informations et d’argent pour réellement se mettre en quête de son sang perdu.

Et au passage, vivre la vie qu’il avait toujours voulu vivre.

Une vie difficile, mais pleine de libertés.


To be continued